Les armes au Moyen Age

Les armes de sièges

Scène de siège Voir aussi le chapitre concernant les armes de siège dans la section Château.

Introduction

Au Moyen Age, puis à la Renaissance, un événement historique était généralement peint sans que l'on tienne compte de la date de son déroulement. Ainsi, l'artiste incorporait dans son oeuvre des décors, costumes et armures illustrant sa propre époque. A la Renaissance le style gréco-romain s'impose avec force, ainsi que les représentations des machines antiques.
Ainsi le scorpion, machine typiquement romaine, décrit par Végèce (IVe siècle) et dessiné en 1536, est servi par un personnage en costume XVIIe. Quand Viollet-leDuc compose son « Encyclopédie », il reprend ces dessins mais ne tient pas compte des indications des auteurs Renaissance quant à leurs sources (d'après Vitruve, d'après Végèce...). On peut supposer qu'il a interprété la présence de ces engins servis par dés soldats Renaissance, comme la preuve de leur usage à cette époque, et à plus forte raison au Moyen Age. Cet ouvrage a fait référence jusqu'en 1970 ; c'est ainsi que nous retrouvons ces engins romains dans les films de cape et d'épée mais, aussi, sur certains sites historiques.
Dans son ouvrage « Forteresses de la France médiévale », J.-E Fino émettait des doutes sur l'existence de la catapulte au Moyen Age et à la Renaissance. Par ailleurs, les AngloSaxons appelaient « catapultes » des engins de toutes sortes, notamment les trébuchets.
Malgré la consultation des dizaines de factures d'époque concernant la construction, les réparations ou le transport, nous n'avons pas eu connaissance de l'utilisation de catapultes pendant cette période. Dans son ouvrage « L'art de la guerre », en 1453, l'ingénieur Taccola fait le point sur l'armement existant. Il dessine et décrit, sur plus de 140 pages, des machines civiles, militaires très variées. On y retrouve les grands classiques comme le trébuchet ou la biffa (appelé couillard ou bis fardeaux), mais nulle trace de la moindre catapulte.
On peut se demander pourquoi cet engin, pourtant redoutable, a été abandonné. Des écrits, sous Jules César fournissent des éléments de réponse. Lors de l'invasion de la Gaule, il est confronté à un ennemi inattendu : le climat du Massif central. Les boucliers romains sont constitués de lamelles de bois croisées et collées, assurant ainsi une bonne résistance et une légèreté indispensable. Exposées trop longtemps aux brumes ou aux pluies auvergnates, les colles se dissolvent. Aussi, sont-ils obligés de les couvrir avec des housses de cuir graissé qu'ils retirent au dernier moment, (citation de Dion Cassius, « Histoire romaine », LVI, 3). Il en est de même pour les catapultes. En effet, elles sont actionnées par des torsions de nerfs de boeuf et des arcs composites (bois plus tendons comme tous les cuirs, dès qu'ils sont mouillés; ils se détendent) Aussi, les Romains utilisent-ils des balistes à torsion verticale, permettant ainsi de les protéger des intempéries en les plaçant sous des cloches de bronze. Ces machines de haute technologie, mal adaptées à nos climats, disparaissent sans doute définitivement avec l'Empire romain.

Un peu d'histoire

Au Ve siècle, après la chute de l'Empire romain, les luttes guerrières incessantes plongent la Gaule dans le chaos. Toute l'organisation politique et administrative mise en place par les Romains disparait, ainsi que la connaissance liée aux machines.
Dès l'aube de l'an 1100, on retrouve un semblant d'échanges en matière de commerce, d'industrie et des idées.
Dans "La guerre au Moyen Age" , Philippe Contamine décrit le début de ce renouveau : « La guerre a profité du perfectionnement des rouages dans le gouvernement et l'administration des hommes. Il en fut pour les armées comme pour la justice, les finances ou la religion l'encadrement devint plus complexe, plus rigoureux, plus serré. La mobilisation de l'armée florentine en 1260 est un modèle de prévision et de prévoyance. A une échelle plus vaste, les bureaucrates d'Edouard Ier (1272-1307) et de Philippe le Bel (1268-1314) montrent un remarquable savoir-faire dans le domaine de l'administration militaire. [...] Comparées aux progrès administratifs, les améliorations techniques furent rendues possibles par la présence d'un artisanat plus nombreux et sans doute de meilleure qualité : d'où les mutations de l'armement, l'apparition ou la diffusion d'engins de mort raffinés, les perfectionnements de la castellologie et de la poliorcétique.
« Davantage d'hommes, de biens, d'argent : tout cela permit aux Etats des mobilisations plus vastes, sinon plus prolongées, des entreprises et des politiques militaires à l'envergure croissante. »

Des Perses aux Romains

Depuis l'Antiquité, une lignée d'ingénieurs, de mathématiciens applique ses découvertes à des domaines très divers. Leur science les amène à s'intéresser à l'architecture, à la connaissance des matériaux, des vents, au génie civil et au génie militaire. Denys l'Ancien, roi de Syracuse, constitua, en 399 av. J.-C., une équipe d'ingénieurs pour concevoir de nouvelles armes. Nous savons que Polyeidos, Diadès et Charias furent les concepteurs des engins des rois de Macédoine Philippe et d'Alexandre, au IVe siècle av. J.-C.
Il semblerait que la première apparition des machines à balancier se fit dans l'armée mongole d'Attila au Ve siècle.

Des Vikings aux Croisades

Les références relatives à l'époque carolingienne sont très pauvres. Pour reprendre Angers, occupé par les Normands, Charles le Chauve, en 873, fait appel à des ingénieurs de Byzance et attaque la ville avec des machines « nouvelles et raffinées » (« Reginon », éd. E Kurze). Viollet-le-Duc a supposé que ces qualificatifs « nova et exquisita » désignaient certaines innovations par rapport aux engins romains, autrement dit qu'il s'agissait de machines à balancier comme celles qui s'imposeront plus tard. Cette interprétation parait improbable et ces qualificatifs ne traduisent sans doute que l'étonnement du chroniqueur face à des engins oubliés de son temps. D'ailleurs, fait révélateur, ces engins se révèlent inefficaces et, pour prendre la ville d'Angers, il faut recourir au détournement d'une rivière. Plus intéressante, quoique très laconique, parait la mention au siège de Paris par les Normands, en 886, de machines faites avec des poutres accouplées et d'égale longueur lançant de grosses pierres. Mais au cas où, encore une fois, le chroniqueur n'aurait pas exagéré la technique des Normands pour mieux valoriser l'action des défenseurs en reprenant des textes de l'Antiquité, nous n'avons aucun renseignement sur ces machines, leurs performances, la taille des pierres.

Des Croisades à la Renaissance

Lorsque viennent les Croisades, elles contraignent les Occidentaux à entreprendre des opérations d'une grande ampleur. Dès lors, il s'agit de transporter en Terre sainte une véritable armée, et d'assiéger de grandes villes fortement peuplées et bien défendues comme Constantinople, Antioche ou Jérusalem.
Les Croisés découvrent sur place des engins de guerre performants, très supérieurs aux leurs. D'après de nombreuses descriptions, elles sont capables de projeter des boulets de pierre de 100 à 300 livres à plus de 100 toises (45 à 124 kg à 200 m). Le sire de Joinville, lors de la croisade d'Egypte (XIIIe siècle), note : « Nos engins tiraient contre les leurs et les leurs contre les nôtres, mais jamais je n'ouïs dire que les nôtres fissent beaucoup... »
Vraisemblablement, les Sarrasins savaient appliquer règles et calculs géométriques. Ce savoir-faire scientifique leur permit d'augmenter les performances de leurs machines en matière d'équilibre et de déplacement de poids énormes. Leur tradition scientifique, mathématique, géométrique tire son essence des travaux de savants grecs tels que Pythagore, et surtout Archimède, lequel montra, lors du siège de Syracuse par les Romains (212-211 av. J.-C.), l'étendue de son talent.
« En 1124, au siège de Tyr, l'artillerie de la défense, étant supérieure à celle des Croisés, ceux-ci firent chercher à Antioche un Arménien nommé Havédic, réputé dans la construction et le réglage des engins. Ils lui fournirent des « charpentiers, et mériens et deniers tant qu'il voulut, et des machines aussi puissantes que précisent purent ainsi être dressées. » (« Guillaume de Tyr et ses continuateurs », Liv. XII, chap. 10, éd. Paris, vol. 2, p. 489.)
Dès lors, les Croisés, grâce à leurs « ensgeniors », s'emparent de ces secrets géométriques, permettant ainsi de régler leurs machines et les rapportent en Occident.
Une des raisons qui imposent les recherches nécessaires à la conception de machines nouvelles et plus puissantes réside dans la radicale transformation des fortifications au début du Moyen Age.
A partir de l'an mille, en effet, les palissades et les donjons en bois sont remplacés par des forteresses construites en pierre pour mieux résister au feu.
Les progrès réalisés dans l'art de fortifier les places, la connaissance plus répandue de certains ouvrages militaires de l'Antiquité, le long conflit qui oppose Capétiens et Anglo-Normands, l'ampleur croissante des ressources dont disposent ces rois, autant de facteurs qui amènent au XIIe siècle une renaissance de la poliorcétique et, de plus en plus, la conduite régulière d'un siège deviendra une opération savante et compliquée.
Lorsqu'on prévoit que celui-ci sera long et compliqué, les assaillants procèdent à des installations considérables que l'on n'avait pas revues depuis les Romains. Des tentes et des baraques de bois servent à loger les troupes, le bétail, les chiens de chasse ou de guerre (Taccola, éd. Gallimard) et parfois de véritables marchés se tiennent une ou deux fois la semaine. A ce point de vue, le camp établi par les Croisés face à Ascalon en 1153 ou celui qu'Edouard III d'Angleterre dresse face à Calais en 1346 constituent des modèles du genre.
Les opérations militaires se déroulent conformément au schéma donné à propos de la poliorcétique romaine. Pour investir la place, on construit des palissades, des fossés, des terrassements renforcés par des redoutes de terre et de bois appelées bretèche, bastide, bastille et, depuis le XVe siècle, boulevard (du néerlandais « bolwerk », rempart, mur d'enceinte).
Souvent, les ressources manquent pour établir des lignes continues et les effectifs pour les garnir font défection eux aussi. On se contente alors de fortins plantés de distance en distance, ce qui évidemment ne permet pas un blocus rigoureux.
Lors du siège d'Orléans en 1429, Jeanne et ses compagnons purent se jeter dans la place en passant sans grande difficulté entre les bastilles anglaises. Les travaux d'approche se réalisent avec des engins similaires à ceux des Romains. Pour écarter les défenseurs des créneaux, on place des arbalétriers, des archers, des frondeurs sur des tours de bois revêtues de matériaux non combustibles ou imbibés d'eau afin que les assiégés ne puissent les incendier. Les archers ou les arbalétriers se postent derrière des mantelets sur roues, de petites dimensions.
Les pionniers s'abritent sous des ouvrages en solides madriers appelés chatte, truie, loup, etc. Ces divers engins se combinent entre eux. Les machines de jet constituent une véritable artillerie qui, comme celle des Romains, peut être utilisée soit pour un siège, soit en rase campagne. Ces armes lourdes demandent la mise en oeuvre de matériaux spécifiques et sont souvent construites en temps de paix. Villes et armées s'équipent et font appel, pour concevoir ces engins et fortifications, à des ingénieurs passés maîtres dans cet art.
La construction et le réglage de ces engins utilisent un principe géométrique assez sophistiqué qui semble avoir été ramené de ces expéditions au Moyen-Orient.
Les premières balistes de type mangonneau utilisent un contrepoids fixe. Celui-ci, dans le prolongement du mât, passe de l'horizontale à la verticale avec un déplacement irrégulier et brusque de la charge qui influe défavorablement sur la précision du tir.
Pour remédier à ce défaut, les « ensgeniors » de l'époque ont articulé le contrepoids, appelé aussi huche, qui peut contenir jusqu'à 10 tonnes de terre ou de pierres. Cette machine nommée trébuchet lance des boulets de pierre d'une centaine de kilos à plus de 200 m avec beaucoup de précision. Mais il s'agit de machines énormes, difficiles à déplacer et nécessitant une main-d'oeuvre excessive puisque des chroniqueurs parlent d'environ 120 hommes pour un engin.
Ces machines sont utilisées jusqu'au XVIe siècle alors que l'artillerie à poudre a fait son apparition au siège de La Réole au début de la guerre de Cent Ans entre Anglais et Français en 1324.
Mais si les balistes continuent d'avoir les faveurs des chefs de guerre pendant encore deux siècles, c'est que la mauvaise maîtrise de la poudre rend la précision et la cadence très aléatoires. Des résidus de poudre incandescents restent dans le tube, demandant une attente d'une heure entre chaque chargement. De plus, la poudre est très chère. Le couillard, lui, avec une équipe entraînée, peut faire dix tirs à l'heure et avec une main-d'oeuvre réduite.
Léonard de Vinci vantera encore à François Ier ces magnifiques engins puis ceux-ci tomberont dans l'oubli jusqu'à ce que Napoléon III, passionné par le Moyen Age, tente la reconstitution de l'une d'elles en 1851.
Ce fut le début d'une longue recherche qui a trouvé son apogée de nos jours grâce à des passionnés de tous horizons et qui a abouti à la reconstitution de machines aux performances similaires à celles du Moyen Age, comme au château de Castelnaud en Dordogne.
Les machines statiques telles que les machines à balancier et à ressort. Elles servaient à percer, à briser ou à ébranler les constructions.
Les machines d'approche telles que les tonnelons, beffroi, tour en bois. Ces engins pouvaient ainsi nuire aux défenseurs en permettant l'approche des murailles.
Les plus intéressantes et les plus méconnues restent les machines à balancier.

Machines à balancier ou contrepoids

Si l'on peut certifier l'origine médiévale de ces machines à contrepoids, il est plus difficile d'en définir le siècle. La puissance et le perfectionnement de certaines peuvent être datés de la fin de la première croisade. Selon J.-E Fino, dans « Forteresses de la France médiévale », « ils consistent en une pièce mobile (ou verge) placée sur un échafaud et pivotant verticalement autour d'un axe qui partage la verge en deux branches d'inégale longueur. Lorsque la branche courte s'abaisse violemment, la branche longue se relève et entraîne une fronde chargée d'un projectile. [...] Il semble que la traction humaine fut la force que l'on employa en premier lieu pour obtenir l'abaissement de la branche courte de la verge ».
L'astuce du balancier consiste en une harmonisation des proportions géométriques à donner au balancier, au contrepoids et à la longueur des cordes.

Conclusion

Il semblerait que (homme ait surtout été inventif dans le domaine guerrier. Pourtant, les répercussions sur l'amélioration de la vie quotidienne des civils sont vitales.
Entre la première apparition connue en Europe de l'artillerie à poudre au siège de La Réole en septembre 1324 et la dernière mention dune machine à contrepoids au siège de Mexico en 1521, il y eut deux siècles de cohabitation due aux lents progrès des canons et de la poudre mais surtout à la très grande technicité atteinte par ces engins. S'ils sont tombés dans l'oubli, les principes géométriques, le savoir-faire et l'expérience se sont perpétués dans les machines du génie civil utilisées jusqu'à la fin du XIXe siècle.
De même, de nos jours, les recherches et les mises en application militaires entraînent, dans des domaines aussi variés que la médecine ou la conquête spatiale, des retombées souvent bénéfiques qui bouleversent notre vie quotidienne.
Si l'on devait résumer l'apport technique des armes de siège on pourrait emprunter une citation latine : « Si vis pacem, para bellum. » (Si tu veux la paix, prépare la guerre.)

Des plans

Plan de Baliste (pdf)(945 ko)
Plan de Catapulte (pdf)(579 ko)
Plan de Trébuchet (pdf)(111 ko)
Plan d'un petit trébuchet (en anglais)

Des explications et des images (de nombreuses explications sont de Renaud Beffeyte, spécialiste international).

Arbalète à tour
Armes à poudre
Baliste
Beffroi
Bélier
Bricole
Catapulte
Char de guerre
Couillard
Corbeau
Echelle de siège
Espringale
Louve
Mangonneau
Mantelet
Martinet
Pierrière
Tonnelon
Trébuchet
Trébuchet à flêches
Trépan

Les boulets
Le personnel et le matériel
Siège de la ville de Bude
2 textes tirés du site historama.free.fr :
Sièges de Châteaux (1)
Sièges de Châteaux (2)
Voir aussi un article ancien de la BM de Lisieux : Jacques-Michel Thaurin : L'artillerie au Moyen-Age, les canons normands du musée des antiquités de Rouen (1857)

Bibliographie


Historique des méthodes et engins de siège

Les "poliorcétistes" ne sont pas légion. Comme tout a un nom, on ne sera pas fâché d'apprendre que celui-ci désigne les spécialistes de "l'art d'assiéger les villes".

Renaud Beffeyte en a rejoint les rangs.

Sa passion lui a donné l'occasion de rédiger un petit opuscule fort bien documenté et richement illustré appelé "Les machines de siège au moyen âge". On peut se le procurer auprès de l'association des Amis de Larressingle.


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