Depuis ses origines (IVe ou Ve siècle) la cathédrale occupe le même site, à l'intérieur de la cité antique. Elle fut construite sur une rupture de pente, sans doute aménagée dès l'époque romaine, sur le versant nord du ravin où coulait le ruisseau de Saint-Marcel, et à moins de 100m de la limite sud du forum romain où s'élevait depuis plus de quatre siècles le temple du culte impérial, le temple d'Auguste et de Livie.
La cathédrale primitive appartenait au groupe épiscopal composé alors de plusieurs églises, du baptistère et de la maison de l'évêque. Leur emplacement est à peu près localisé : l'église principale (l'ecclesia) sous la partie orientale de la cathédrale actuelle ; à l'extrémité est de la place Saint-Paul, le baptistère, sompteusement reconstruit par l'évêque Avit, vers 500, de plan circulaire (ou octogonal ?) et au nord une église dédiée à sainte Marie. Le souvenir de ces premières églises fut perpétué au XIIIe siècle lorsque furent construites sur le flanc nord de la nouvelle cathédrale gothique trois chapelles qui donnaient sur le cloître des chanoines ; leur vocable pérennisait les titres des églises du groupe épiscopal : les Maccabées ou Saint-Maurice-le-Vieux, Saint-Jean (le Baptiste), Notre-Dame. Leur destruction ainsi que celle du cloître, dans les premières années du XIXe siècle, ont donné naissance à la place Saint-Paul, où l'on peut voir encore, sur le mur de la cathédrale, les arrachements et vestiges des travées de l'une de ces chapelles.
Mais l'édifice actuel ne garde aucun témoin des campagnes de constructions successives antérieures à l'an mil. Seul un plan gravé sur le dallage permet au visiteur de localiser la chapelle du Saint-Sépulcre, élevée dans la seconde moitié du IXe siècle, près de la façade ouest de l'église cathédrale d'alors, et conservée à l'intérieur de l'édifice roman puis gothique jusqu'au début du XVIe siècle où elle fut alors rasée (voir les marques sur le dallage, vers la 5e travée, côté nord de la nef centrale).
SAINT MAURICE : LE SAINT PATRON DE LA CATHEDRALE
1- Le vocable «Saint-Maurice»
Le vocable de Saint-Maurice ne fut introduit qu'au début du VIIIe siècle pour désigner d'abord un petit édifice en forme de "crypte", construit à l'ouest de la cathédrale d'alors pour abriter les reliques du martyr confiées à l'Eglise de Vienne. En 1251, lors de la consécration de la cathédrale gothique en cours de construction, le nom de SaintMaurice, qui depuis le IXe siècle avait eu tendance à se généraliser, l'emporta définitivement sur d'autres titres qui avaient été aussi en usage au cours des siècles précédents : "la grande église en l'honneur des sept frères Maccabées", "l'église du Sauveur", "l'église de la Résurrection".
2- Le martyr saint Maurice (fête le 22 septembre) et son culte.
Officier d'un corps d'auxiliaires de l'armée romaine levés en Egypte («la légion thébaine») et convertis au christianisme, il souffrit le martyre vers l'an 290, sous les règnes des empereurs Dioclétien (en Orient) et Maximien (en Occident). Refusant de poursuivre les chrétiens et de sacrifier eux-mêmes aux dieux païens, Maurice, Victor, Candide, Exupère et leurs compagnons furent massacrés sur ordre impérial ; l'événement se produisit sur les bords du Rhône, à Agaune (Suisse), dans le Valais, où était parvenue leur armée. Dès le IVe siècle, un culte fut rendu sur place à ces martyrs.
Au début du VIe siècle, vers 515, un monastère y fut établi par le roi burgonde Sigismond ; mais cette fondation fut en réalité l'oeuvre d'une grande figure du siège épiscopal de Vienne, Avit, qui peupla la nouvelle abbaye avec des moines venus de Vienne, où les ordres monastiques fleurissaient alors.
Au IXe siècle, le roi Boson, élu roi de Bourgogne (879-887) et qui résidait à Vienne avait eu une dévotion particulière pour saint Maurice dont il fit rouvrir le reliquaire d'or et de gemmes. Son inscription funéraire, recopiée au XIIIe siècle (conservée et insérée dans le mur de la 7e chapelle latérale nord) le rappelle : "Il ceignit d'or le chef de saint Maurice, l'orna de gemmes étincelantes et le surmonta d'une couronne toute resplendissante d'or et de pierreries. Outre cela, tant que sa vie fut heureuse et qu'il demeura en bonne santé, il fit de nombreux dons au (saint) patron nommé en ce poème (...)" (traduction Favreau-Michaud).
3- L'iconographie de saint Maurice dans la cathédrale
Saint Maurice est représenté traditionnellement en saint guerrier, avec habits militaires, à pied, parfois à cheval, portant une bannière rouge frappée d'une croix blanche aux extrémités trilobées (cette croix réapparaît dans les armes de l'Eglise de Vienne). Les représentations du saint conservées dans la cathédrale ne sont pas antérieures au XVIe siècle. Mais on peut supposer qu'il figurait au portail occidental central (de la seconde moitié du XVe s.).
- Sur le vitrail de l'Adoration des Mages (fin XVIe s.). Le saint apparaît dans le registre inférieur à gauche, comme patron de la cathédrale, auquel le chanoine Antoine Putod (au centre, avec son protecteur saint Antoine) avait offert le vitrail.
- Sur les verrières (fin XVIe s.), dans les baies supérieures du choeur : saint Maurice (dans l'axe, à côté de saint Pierre), et ses compagons.
- Les tapisseries installées dans le choeur (la suite initiale en comprenait sept ou huit) sont consacrées à la vie du saint et de ses compagnons : la conversion et le baptême à Jérusalem confirmé par le pape saint Marcellin, le refus de participer aux cultes païens, à Octodurus et le martyre. En fils de laine et de soie, elles sont l'oeuvre d'un atelier flamand, de la fin du XVIe siècle, tissées sur commande des chanoines de la cathédrale comme l'atteste la présence de leurs armoiries (les lions) aux côtés de celles de l'Eglise de Vienne (la croix de la bannière de saint Maurice) sur les bordures supérieures..
La suite conservée commence avec le baptême de saint Maurice et de la légion à Jérusalem, et la présentation de saint Maurice à l'empereur Dioclétien, dans son palais de Rome ; puis saint Maurice et sa légion refusent d'idolâtrer les dieux païens ; le martyre est exposé en deux tapisseries : la légion est décimée, puis le martyre de saint Maurice et de ses compagnons.
Les épisodes de la vie du martyr sont légendés : titres dans des cartouches avec mention de la date (297), nom des protagonistes, (empereurs Maximien, Dioclétien, compagnons de saint Maurice), lieux ("lerusalem", "Romme"). Les bordures sont garnies de feuillages et de fruits, animées par des oiseaux ou des lapins qui donnent au cadre de ces tapisseries une note de fraîcheur apaisante, écho du bonheur céleste que le martyre a procuré aux pieux soldats.
- Sur le maître-autel (XVIIIe siècle) : le glaive qui a décapité Maurice, les palmes du martyre entrent dans la composition qui orne le devant de la table d'autel, en forme de tombeau antique ; le bas-relief du tabernacle qui représente le saint martyr est plus récent.
- Sur la peinture d'Alexandre Desgoffe (1859) (au-dessus de la porte de la sacristie), le saint est représenté à cheval.
- Sur un vitrail de l'abside oeuvre de Lucien Bégule, 1898), les quatre médaillons supérieurs évoquent la vie du saint et la translation d'une relique de saint Maurice à Vienne (à gauche de la verrière axiale).
LES GRANDES HEURES DE LA CATHÉDRALE SAINT-MAURICE
IIIe s. : création du siège épiscopal de Vienne.
Fin du IVe s. : sur le même site qu'occupe la cathédrale actuelle, construction du quartier épiscopal : cathédrale dite "ecclesia"; églises, baptistère, maison de l'évêque. En janvier 361, l'empereur Julien y assiste à la fête de l'Épiphanie.
Début du VIe s. : l'évêque saint Avit restaure le baptistère.
Ve-IXe s. : l'ecclesia est placée sous le patronage des frères Maccabées.
début VIIIe s. : introduction du culte des reliques des martyrs de la légion thébaine, saint Maurice et ses compagnons, dans une annexe voûtée de la cathédrale.
Début IXe s. : création d'une communauté de chanoines régie par une règle. L'usage du vocable Saint-Maurice se généralise peu à peu pour désigner la cathédrale, qui est agrandie vers l'ouest d'un sanctuaire consacré au Sauveur et utilisé par le chapitre des chanoines.
887 : le roi de Bourgogne-Provence, Boson, est inhumé à Saint Maurice (cf. n° 10 sur le plan)
XI s. : reconstruction de la cathédrale par l'archevêque Léger (1030-1070).
9 février 1119 : l'archevêque de Vienne Gui de Bourgogne qui vient d'être élu pape à Cluny sous le nom de Calixte II est couronné dans sa cathédrale. Il accorde peu après au siège épiscopal de Vienne la primauté (honorifique) sur les sièges métropolitains des six provinces ecclésiastiques du sud de la France.
Vers 1140/1160: reprise de nouvelles campagnes de reconstruction de la cathédrale, selon le style roman.
XIIIe s. : l'évêque Jean de Bernin (1218-1266) reprend les travaux en délimitant le nouveau périmètre agrandi de l'église.
20 avril 1251 : le pape Innocent IV consacre la cathédrale, dédiée définitivement à saint Maurice.
XIIIe-XVe s. : suite des travaux : élévations, voûtements de la nef centrale, portails de la façade, chapelles latérales.
Octobre 1311 - avril 1312 : séances solennelles du concile cecuménique, en présence du pape Clément V et du roi de France Philippe IV ; abolition de l'ordre des Templiers.
Début XVIe s. : achèvement de la nef et de la façade, et fin des travaux.
Juillet 1548 : le coeur du Dauphin François, fils de François 111, est déposé dans le choeur de la cathédrale.
20 mars 1561 : les bandes de Réformés s'attaquent aux statues de la façade.
Mai-juin 1562 : nouveau saccage de la cathédrale par des compagnies huguenotes.
17 octobre 1567 : nouvelles dévastations par les Réformés.
1693 : le prédicateur J.-B. Massillon prononce l'oraison funèbre de l'archevêque Henri de Villars.
Juillet 1790 : en vertu de la Constitution civile du clergé, l'évêché de Vienne est supprimé ; la cathédrale échappe à la vente des biens religieux nationalisés. Pendant la Révolution, elle est un lieu de réunion d'assemblées populaires et patriotiques ; elle sert ensuite de grenier à fourrage, ou de casernement.
Juin 1802: l'église est rouverte au culte comme église paroissiale.
1869 : incendie du clocher nord.
Février 1988 : commémoration solennelle en l'honneur de Gui de Bourgogne, archevêque de Vienne de 1088 à 1119.
VISITE
Commencer la visite par la façade ouest ; suivre les numéros dans l'ordre et finir la visite par la place Saint-Paul, à l'emplacement du cloître médiéval.
1 - Façade occidentale de style gothique, à trois portails.
Portail sud (à droite): anges musiciens et prophètes (fin XIVe s.) ; portail nord (à gauche) : anges musiciens et choristes célébrant le couronnement de la Mère du Christ (voir les anges portant la couronne) (milieu XVe s.) ; portail central : sur les trois voussures, un condensé de la Bible en images : prophètes et rois, scènes de l'Ancien Testament et scènes de la vie du Christ (seconde moitié du XVe s.).
2 - Façade intérieure : verrière (XXe s.) de la grande baie à rose et lancettes ornée des armoiries des sièges épiscopaux qui relevaient de l'archevêque de Vienne avant la Révolution.
L'INTÉRIEUR
Église à trois nefs, sans transept.
A la cathédrale romane (milieu XIIe s.) appartiennent les travées 5 à 11 de la nef (à l'est du point 5 du plan) : arcades jusqu'au niveau du triforium, bas-côtés, une soixantaine de chapiteaux (ces sculptures constituent un ensemble iconographique d'une rare ampleur), et quelques éléments en remploi dans la construction gothique (n° du plan 11c, 12, 14, 29, 35).
A la campagne gothique (XIIIe - début XVIe s.) appartiennent le choeur dont l'abside est réédifiée sur le soubassement de l'abside de la construction romane (XIIIe s.), le triforium, les fenêtres hautes et les voûtes de la nef centrale, les quatre travées occidentales avec les clés de voûte ornées des armoiries des familles ou des chanoines bienfaiteurs (XIVe - XVe s.), les chapelles latérales ouvertes sur les bas-côtés (XIIle XVe s.), les portails de la façade (n° 1 du plan), et quelques restes de monuments sculptés (no 9, 15) qui proviennent peut-être du jubé. Des chapelles qui s'ouvraient sur le cloître (n° 30) ne subsistent plus que la chapelle fondée en 1495 par Claude de Virieu (n° 32).
3 - Vitraux du maître-verrier Thomas (1954).
4 - Chapelle des Naillac. Tombeau de Pierre de Naillac (chanoine de la cathédrale) et de son frère Antoine, de style gothique flamboyant (fin XVe s). Peinture murale : la Crucifixion (XIVe s.).
5 - Emplacement de la façade de la cathédrale romane (XII, s.)
6 - Chapiteau roman : les Saintes Femmes au tombeau.
7 - Chapiteau roman : l'entrée de Jésus à Jérusalem.
8 - Chapiteau roman : le roi David musicien.
9 - Groupe sculpté des Rois Mages devant Hérode (XIIIe s.)
10 - Chapelle Sainte-Apollonie : épitaphe du roi de Bourgogne-Provence Boson (Mort en 887) enseveli dans la cathédrale (copie de l'original faite au XIIle s.).
11
a, b : fûts de colonnes torses romaines en marbre ;
c : frise du zodiaque (XII, s.).
12 - Statues romanes de saint Pierre (à gauche), de saint Jean et Saint Paul (à droite).
13 - Chaire en marbre. (1833).
14 - Chapiteaux romans en remploi :
a, Jésus et deux disciples sur la route d'Emmaüs;
b, le repas à Emmaüs.
15 - Groupe sculpté de l'Adoration des Mages (XIIIe s.).
16 - Suite de tapisseries flamandes (fin XVIe s.), aux armoiries du chapitre cathédral, relatant la vie et le martyre de saint Maurice et de ses compagnons de la légion thébaine.
a, le baptême à Jérusalem
b, Maurice est reçu au palais impérial de Dioclétien à Rome
c, il refuse de sacrifier aux dieux paiens
d, la légion est décimée
e, Maurice est décapité avec quatre compagnons.
17 - Chapiteau roman : la résurrection de Lazare. (cane postale 39)
18 - Mur, porte et baie appartenant à l'église romane (XIe/ XIIe s.).
19 - Tableau d'Alexandre Desgoffe (1859) : saint Maurice à cheval reçoit la palme du martyre.
20 - Vitrail de la fin du XVIe s. : l'Adoration des Mages ; au registre inférieur, le donateur est représenté avec son saint patron (saint Antoine), entre saint Maurice (à gauche) et saint Jacques (à droite), patron de la chapelle.
21 - Mausolée des archevêques de Vienne, Armand de Montmorin et Henri-Oswald de la Tour d'Auvergne, par le sculpteur RenéMichel Slodtz (1740-1747).
22 - Maître-autel, réalisé par René-Michel Slodtz (1747), avec des marbres antiques de la ville de Rome.
23 - Siège épiscopal en pierre (XII, s.).
24 - Vitraux de l'abside réalisés par Lucien Bégule (1898), dans le style des verrières du XIIIe s. ; de part et d'autre de la Rédemption (dans l'axe), scènes illustrant des épisodes de l'histoire de l'Église de Vienne (saints patrons et martyrs, évêques...).
25 - Vitraux des baies hautes de l'abside (fin XVIe s.) : dans l'axe, saint Maurice et saint Pierre.
26 - Sur le soubassement de l'abside, et au-dessus du triforium: frises à incrustation de ciment coloré : végétaux, animaux affrontés, centaures, têtes de rois et d'évêques... (XIIIe s.).
27 - Tombeau de Guy de Maugiron, gouverneur du Dauphiné (Mort en 1555).
28 - Chapelle Saint-André (chapelle de prière aménagée par l'association Cathédrale Vivante en 1994).
28bis - Nouvel autel réalisé par Philippe Kaeppelin (1997)
L'EXTÉRIEUR
La place Saint-Paul (au nord) a été aménagée au début du Premier Empire à l'emplacement des deux cloîtres et des bâtiments du chapitre. On peut voir encore, sur les murs, des inscriptions funéraires (XIIe-XIIIe s.) de membres du clergé de la cathédrale, de dignitaires du chapitre ou de laïcs.
Sur le côté méridional, la rue Calixte II (du nom de l'évêque de Vienne, Gui de Bourgogne, élu sous ce nom à Cluny comme pape en 1119) occupe l'emplacement du cimetière des pauvres.
29 - Porte nord : linteau avec griffons (remploi antique), archivolte décorée de rinceaux (remploi roman).
30 - Emplacement du cloître Notre-Dame (XIIIe s.), détruit en 1804.
31 - Traces des trois travées d'une des trois chapelles qui avaient été construites sur le côté est du cloître, au XIIIe s.
32 - Sur le côté nord de l'ancien cloître, chapelle Saint-Théodore, fondée à la fin du XVe s. par Claude de Virieu.
33 - Vestiges de la porte monumentale du palais épiscopal.
34 - Cloître du chapitre de la cathédrale, détruit pendant les guerres de Religion.
35 - Arcature romane (XII, s.) remontée sur les murs gothiques.
36 - A la base des murs gothiques, blocs à bossage et remplois antiques.