FRANCE, ARIEGE, MONTSEGUR |
Montségur, Ariège, France
Bien que le château de Quéribus ait résisté une dizaine d'années après la chute de Montségur, ce dernier château reste chargé d'une grande valeur symbolique dans l'histoire du catharisme occitan. La forteresse était devenue le camp retranché de l'Eglise cathare pourchassée. D'autre part, la reddition du château, le 16 mars 1244, fut marquée par un bûcher de plus de 200 hommes et femmes ayant choisi de rester fidèles à leur foi. Une stèle commémorative perpétue leur souvenir.
Ce haut-lieu ne fut jamais directement impliqué dans les évènements du début de la croisade. Ce n'est que très tard, en 1242, qu'une soixantaine de défenseurs de Montségur dirigés par Pierre-Roger de Mirepoix, organisèrent une expédition jusqu'à Avignonnet, dans le Lauraguais, pour y massacrer plusieurs inquisiteurs afin de venger leurs victimes.
Cet épisode amena un an plus tard le concile de Béziers à décider de la prise de Montségur. 6000 hommes commandés par l'archevêque de Narbonne, Hugues des Arcis et par le sénéchal du roi de France à Carcassonne, Pierre Amiel, entamèrent le siège en mai 1243. Après la prise du poste avancé du roc de la Tour, des machines de jet sont installées à portée du château.
Au mois de mars 1244, les assiégés, épuisés, sont contraints de négocier les conditions de la reddition. Durant la nuit du 15 au 16 mars, quatre Parfaits réussissent à quitter le château pour mettre en sécurité le trésor monétaire de l'Eglise cathare, trésor dont la nature reste inconnue et qui contribue à entretenir la légende de Montségur.
La population se répartit de façon à peu près égale entre la communauté religieuse - forte, à la veille du siège, de quelque deux cents Parfaits et Parfaites cathares, avec leurs évêques et leurs diacres - et la communauté laïque : le clan seigneurial, c'est-à-dire une quarantaine de membres de la famille de Raymond de Péreille et de son cousin germain Pierre-Roger de Mirepoix; puis les chevaliers proscrits, les faidits , avec parfois leur mère, leur femme ou une soeur, leurs écuyers, leurs sergents. La garnison recrutée par Pierre-Roger constitue une part importante du peuplement, avec sa centaine ou presque d'hommes d'armes, archers, arbalétriers. Les plus humbles d'entre eux, comme le sergent Guillaume Garnier - un ancien bouvier - n'ont même pas de "maison", mais sont logés dans de simples cabanes.
Ce grouillant labyrinthe a la mosaïque de ses toits dominée par le château seigneurial. On n'en a pas retrouvé de vestiges - car il fut détruit après la reddition de 1244 - mais il est probable qu'il était dressé au point le plus élevé du site, peut-être à l'emplacement du donjon actuel. Et il avait, bien sûr, son propre donjon, où vivaient d'ailleurs Raymond de Péreille, son épouse Corba et leurs enfants.
A l'extrémité orientale du castrum, une porte, protégée en avant par une barbacane, s'ouvrait sur la crête de la montagne. Un sentier en forte dénivellation permettait s'atteindre au bout de 800 mètres le roc de la Tour et l'ouvrage défensif qui surplombe d'une falaise de 80 mètres les gorges du Lasset. C'est cette tour qui fut emportée par un commando d'assailants, une nuit de décembre 1243... L'armée royale mit alors un mois et demi pour progresser le long de la crête, appuyée par des catapultes dont maints boulets sont encore épars dans la forêt. A la mi-février 1244, arrivée aux défenses extérieures du castrum, elle tenta un assaut à l'aide d'échelles - sans doute contre la barbacane orientale. Elle fut repoussée. Pas pour longtemps !
Le 1er mars, Pierre-Roger de Mirepoix négocia sa reddition avec le sénéchal de Saint-Louis.
Déjà gravement laminé par le siège, le vieux castrum cathare dut être détruit, car l'armée catholique avait ordre de raser de fond en comble toute demeure où auraient été pris des "hérétiques", morts ou vifs. Mais sa valeur stratégique n'avait pas échappé aux conquérants : Montségur fut donné à Guy II de Lévis et, sur ordre du roi, le seigneur français jeta sur le castrum abandonné la puissante forteresse qui dresse toujours ses vestiges au sommet du pog ariégeois.
Michel Roquebert
Extrait du livre "Le sentier Cathare" Rando éditions