Cîteaux
1 - Une réaction à Cluny
Cet ordre est créé par saint Robert de Molesmes lors de la fondation du monastère de Cîteaux en 1098, pour revenir à la règle de saint Benoît «au point extrême». En 1119, Étienne Harding, troisième abbé de Cîteaux, rédige la Charte de charité, constitution fondamentale de l'ordre : pauvreté, uniformité, travaux aux champs où les moines sont aidés par des frères lais. L'ordre s'étend rapidement : il compte 343 abbayes en 1153, et 694 en 1300. Cîteaux, Clairvaux, La Ferté, Pontigny et Morimond sont les cinq têtes de l'ordre nouveau, et fondent chacune leur propre filiale.
L'ordre cistercien apparaît d'abord comme une réaction, contre la centralisation et la richesse de Cluny. Il y a bien un abbé général à Cluny, mais l'organe suprême de juridiction est le chapitre général qui, chaque année, réunit tous les abbés. Les moines cisterciens vivent loin des villes, dans l'abstinence complète et la plus grande pauvreté. Le travail manuel reprend toute son importance au détriment des offices somptueux, mais aussi de la vie intellectuelle : les abbayes cisterciennes sont des lieux de prière et non des centres d'études. Ce souci d'austérité est visible dans le dépouillement des sanctuaires cisterciens : le chœur complexe, à déambulatoire et chapelles rayonnantes, fait place à un simple chevet plat. La sculpture est rare ou géométrique. Les vitraux sont réduits à des grisailles. Ce sont pourtant souvent des chefs-d'œuvre grâce à l'harmonie des formes et des volumes.
2 - Saint Bernard de Clairvaux
La grande figure cistercienne du XIIième siècle est saint Bernard de Clairvaux (1091-1153). Originaire d'une famille noble bourguignonne, moine de Cîteaux, saint Bernard est le fondateur et le premier abbé de Clairvaux (1115), qu'il reste jusqu'à sa mort. Deux principes le dirigent : la défense de l'ordre cistercien et celle de la réforme de l'Église. Sous son impulsion, l'ordre cistercien connaît un extraordinaire essor : au milieu du XIIième siècle, il contrôle 300 abbayes, dont 70 sont des dépendances de Clairvaux. En 1128, il fait reconnaître l'ordre des Templiers dont il rédige les statuts, proposant un strict itinéraire spirituel, opposé à la violence exercée par les nobles.
Saint Bernard veut libérer l'âme par une foi dépouillée et confiante. Il s'oppose au style intellectuel et raisonneur qui se fait jour dans les écoles : la théologie spéculative semble faire fi de l'humilité monastique face aux mystères divins. Bien que cultivé, il se défie des prétentions de la raison et exige qu'elle reste soumise à la foi. C'est ce qui explique sa violente controverse avec Abélard. Il pourfend également les théories «néo-manichéennes» de Pierre de Bruys et d'Henri de Lausanne.
Pour lui, il n'y a que deux voies parallèles pour mener à Dieu, d'une part la pénitence (ascétisme, pauvreté, travail manuel), d'autre part la confiance en l'amour divin et en l'intercession de la Vierge, à laquelle toutes les églises cisterciennes sont dédiées. Il professe une dévotion moins formelle que celle qui fut pratiquée avant lui. Il n'entend pas modifier la structure de la société et défend l'institution féodale (conditions différentes des moines d'origine aristocratique et des convers de vile origine).
Il devient une des principales personnalités de l'Occident chrétien, intervenant dans les affaires publiques et conseillant les papes. Lors du schisme d'Anaclet, en 1130 (deux papes rivaux sont élus successivement, Anaclet II et Innocent II), il tranche en faveur d'Innocent II, qu'il juge plus apte à diriger l'Église (concile d'Étampes en 1131); pendant huit ans, Bernard lutte pour l'imposer. La mort d'Anaclet en 1138 met fin au schisme, et Bernard gagne en autorité dans toute la chrétienté.
Hostile au rationalisme d'Abélard, il obtient sa condamnation au concile de Sens en 1140, ainsi que celle de son disciple, Arnaud de Brescia, qui préconisait que l'Église renonce à son pouvoir temporel et à ses biens, pour revenir au vrai message de l'Évangile.
Son influence s'affermit quand un moine cistercien devient le pape Eugène III (1145-1153). En 1146, à sa demande, il prêche la deuxième croisade à Vézelay et à Spire. Il soutient des polémiques contre l'ordre de Cluny. Plus homme d'action et de spiritualité que théologien, il est l'auteur de traités polémiques, de sermons, de poèmes à la gloire de la Vierge.
URL d'origine : historama.free.fr (site fermé)
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