Le Catharisme : doctrine et église

Le Catharisme

Le catharisme, (il est traditionnellement admis que le mot 'cathare' est formé à partir du grec catharos = pur) est le nom donné par les historiens à une religion qui s'est répandue en Europe et a trouvé sa terre d'élection en Languedoc.

Ses origines sont obscures : peut-être venu d'Orient vers le milieu du XIIème siècle, diffus en Allemagne, en Italie, très voisin du 'bogomilisme' bulgare, il s'épanouit en Occitanie, terre de riche culture, d'ouverture d'esprit, de tolérance ; les villes y jouissaient de chartes de liberté et les cours féodales vivaient au rythme des troubadours et de l'amour courtois.

Les historiens datent son début en 1167, année du concile de Saint Félix de Lauragais où aurait siégé Nicétas, évêque hérétique de Constantinople, et sa fin au début du XIVème siècle, quand la dernière église cathare, celle des frères Authié, sera littéralement massacrée.

Le début du XIIème siècle voit se répandre plusieurs sortes d'hérésie, phénomène différemment expliqué par les historiens.

Pour certains, il est la conséquence lointaine de la peur de l'An Mil (l'annonce de l'apocalypse avait terrorisé les populations). Pour d'autres, il s'explique par une soif de spiritualité, loin d'être satisfaite par l'église catholique et ses clercs ; les évêques sont plus préoccupés par leurs biens temporels que par la foi de leur troupeau ; ils vivent dans l'opulence, affichant ouvertement luxure et mœurs dépravées. Pour d'autres enfin, il n'est qu'une réponse différente à l'éternelle question que se pose l'homme au sujet de la création et de son passage sur terre.

Mais le catharisme n'a pas été qu'un fait religieux. Il a été aussi une réalité sociale bien installée dans les structures du système féodal et son importance historique vient surtout des moyens mis en œuvre pour l'éradiquer. Les conquêtes successives de la croisade furent déterminantes pour la formation de la France.

LA DOCTRINE

Nous connaissons peu de choses du dogme cathare et du catharisme en général.

Peu d'écrits jusqu'en 1939, hormis la 'Chanson de la Croisade Albigeoise' du troubadour Guillaume de Tudèle et 'l'Historia Albigensis' de Pierre de Vaux de Cernay, quelques chroniques, dont celle de Guillaume de Puylaurens, écrits 'engagés' et soumis à de multiples controverses. Seul, le Rituel de Lyon, en occitan, est un texte authentiquement cathare, qui donne une description très précise de la cérémonie du consolamentum par laquelle les cathares donnaient leur unique sacrement.

D'où des interprétations peu fiables avant cette date: la principale fut que le catharisme était la résurgence d'une hérésie ancienne, le manichéisme, du prophète Manès (ou Mani), ceci en vertu de son caractère dualiste.

Or en 1939, un érudit dominicain découvre, à Florence

Précieuses découvertes qui donnaient enfin directement accès à la doctrine cathare.

Ces écrits développent des théories sérieusement argumentées qui ne laissent absolument transparaître aucune influence manichéenne. Au contraire, les cathares ne cessent de s'y affirmer chrétiens, se livrent à de rigoureuses définitions, à de méthodiques exégèses des Saintes Écritures qui prouvent une connaissance remarquable du Nouveau Testament comme de l'Ancien.

Le catharisme apparaît ici comme une lecture différente des textes sacrés du Christianisme.

Jean de Lugio y explique le fondement du dualisme de la religion cathare: une même cause ne pouvant produire à la fois un effet et son contraire, il faut deux principes différents à l'origine du Bien et du Mal. Nous trouvons un écho de ce raisonnement dans l'évangile de Saint Mathieu: 'Tout arbre qui est mauvais porte de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre en porter de bons.'

En vertu de cette théorie, il existe deux principes, celui du Bien et celui du Mal.

Le principe du Bien, c'est à dire le Dieu Bon est à l'origine du monde pur, le monde invisible, celui de l'esprit.

A côté du Dieu Bon existe un autre principe créateur responsable, lui, de la Matière corruptible et souffrante et par là même source de tout mal.

Il est évident que les corps appartenant à la mauvaise création ne pouvaient être l'œuvre de Dieu. Donc les cathares niaient l'Incarnation, la Passion, l'Eucharistie, tout ce qui s'apparentait à la matière, à la chair, à la souffrance.

Rien d'impur ne pouvant pénétrer dans le royaume supra-terrestre, la purification de l'âme devait se faire sur terre. L'âme du croyant devait être purifiée par la cérémonie du consolamentum. Ceux qui n'avaient pu recevoir ce ' sacrement ' devaient se réincarner.

Nous retrouvons dans cette partie de la doctrine, l'influence des religions orientales et notamment du bouddhisme.

On comprend que pour l'église catholique, l'hérésie est ici totale :

L'EGLISE CATHARE

L'église cathare a une organisation hiérarchique. Chaque église ou diocèse (on en connaît 5 dans le Midi : Albi, Toulouse, Carcassonne, Agen et celle du Razès) a à sa tête un évêque assisté d'un fils majeur et d'un fils mineur. Le fils majeur était désigné de son vivant par l'évêque pour lui succéder après sa mort. Les évêques étaient secondés par les diacres que l'on pourrait assimiler aux curés, s'ils avaient été rattachés à une paroisse, mais ils étaient itinérants et étaient surtout chargés de l'administration des églises.

Seuls les Parfaits ou les Purs (les Bonshommes, comme les surnommait la masse des croyants en raison des soins qu'ils donnaient aux malades), faisaient réellement partie de l'église cathare.

Qui étaient les Parfaits et les Parfaites ? Ceux et celles qui, de leur vivant, avaient reçu le consolamentum, mérité par une pureté d'âme, un idéal si élevé, des mœurs si ascétiques, qu'un très petit nombre pouvait accéder à ce statut. Les Parfaits vivaient dans l'absolue chasteté, se nourrissaient uniquement d'aliments végétaux, avaient abandonné tout bien terrestre, condamnaient le meurtre et la guerre, le mensonge et la peine de mort, pratiquaient une tolérance absolue, se refusaient à prêter serment, ne craignaient ni le jugement, ni la torture, ni le feu. Seule comptait leur foi, leur marche vers le royaume de Dieu. Ils choisirent presque tous le martyre, au reniement de leurs croyances.

Un aspect méconnu de leur vie, c'est l'obligation pour les ordonnés, de vivre du travail de leurs mains. Au plan sociologique, cette règle jouera un rôle important: il n'y aura pas de place pour les contemplatifs, ni d'ailleurs pour les solitaires, car il faut, à l'image des apôtres, être toujours deux; chaque parfait a son 'soci', chaque parfaite sa 'socia', si bien que la cellule de l'Église, c'est l'atelier communautaire où l'on pratique tous les artisanats; on trouve des tisserands, des couturières, des tailleurs, des cordonniers etc…Même dans la clandestinité, les cathares observaient scrupuleusement la règle.

A côté des Parfaits, la masse des croyants, ignorante des dogmes, mais admirant ces Purs dont la vie exemplaire, détachée des biens de ce monde, lui paraissait un modèle inaccessible. Les croyants avaient surtout retenu deux choses de la nouvelle religion : que l'Enfer n'existait pas et que tous pouvaient être sauvés par le consolamentum, délivré sur leur lit de mort par un Parfait.

Le consolamentum : C'était donc le seul sacrement de la religion cathare

Il est bien évident que le consolamentum in sanitate requerrait des conditions rigoureuses et n'était consenti qu'au postulant sûr, très affermi dans sa foi et non susceptible de rechute. Au cours d'une cérémonie, il sera 'élu '. Le Parfait qui officie lui exposera une nouvelle fois la doctrine, lui rappellera les obligations strictes auxquelles il devra se soumettre. Le postulant ayant réitéré sa demande d'adhésion au sein de l'église cathare, le Parfait placera ' le Texte ' sur sa tête (le Texte est l'évangile de St Jean). Tous les Parfaits présents lui imposeront les mains en demandant à Dieu de le recevoir. Après plusieurs prières dont plusieurs ' Pater ', le postulant sera enfin ' élu '.

Les croyants observaient certains rites. Les plus connus sont le melioramentum et l'apparelhamentum. Le premier, obligatoire, consistait à ' adorer ' les Parfaits (les croyants se prosternaient et demandaient leur bénédiction). Le deuxième, facultatif, était une sorte de confession publique, présidée par un Parfait au terme de laquelle ils demandaient pardon de leurs fautes. La séance se terminait par le baiser de la paix.


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