Charles V le sage (1338-?)
Charles V le sage (1338-1380), 1er Dauphin Charles V

Roi de France.
Charles V, est né à Vincennes le mercredi 21 janvier 1338, jour de la sainte Agnès; il fût l'aîné des huit enfants du roi Jean II le bon.
Son baptème eut lieu à l'église de saint Pierre de Montreuil.
Fils de Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg, le futur Charles V fut le premier fils de France à porter le titre de dauphin de Viennois, en même temps que celui de duc de Normandie.
L'origine du surnom de dauphin vient, parait-il d'une coutume donnée par la reine Mathilde, originaire de Sicile. Cette reine épousa le comte d'Albon, qui dominait le Viennois et ils donnèrent à leurs descendants ce titre de Dauphin de Viennois. Par habitude, ce titre passa à la terre, qu'on appela bientot "le dauphiné".
En 1349, Humbert II, dauphin de Viennois sans héritier et sans fortune, vendit sa terre et son titre à l'ainé des petits-fils du roi de France Philippe VI.
La condition fut que le Prince et ses successeurs portèrent les armes et le titre "dauphin de Viennois".
Le premier "dauphin" fut donc Charles, fils de Jean-le-bon, et futur Charles V. C'est ainsi qu'à sa suite tous les ainés de la famille royale de France furent des "dauphins".
C'est donc bien à l'age de 11 ans que Charles quitta Paris pour Lyon. Il recut l'investiture de dauphin le 18 juillet 1349 en l'église des jacobins.
Puis il dut entreprendre une tournée d 'Hommages dans son nouveau pays.
Mais il tombe malade de typhoïde au mois d'août. Loin de sa famille et malade, ce jeune Prince apprend la mort de sa mère, Bonne de Luxembourg, à Paris le 11 septembre. Il est finalement marié à Tain, au début de 1350 à Jeanne de Bourbon. Ce mariage sans aucun cérémonial est célébré loin de toute sa famille. On peut comprendre les sentiments d'un jeune enfant coupé de sa jeunesse pour accomplir un arrangement qui le dépasse, tomber malade, perdre sa mère, et se retrouver marié à une petite fille...
Présent aux côtés de son père pendant la bataille de Poitiers, il dut ensuite, comme lieutenant du roi, puis comme régent, gouverner le royaume pendant la captivité du roi Jean. C'est alors que le dauphin Charles dut faire face aux prétentions politiques des états généraux de 1356 et 1357, à la rébellion parisienne qu'animait le prévôt des marchands étienne Marcel, à l'hostilité permanente du roi de Navarre, dont les droits à la couronne de France avaient été trop rapidement écartés en 1328, et à la jacquerie qui soulevait les paysans de la région parisienne contre les propriétaires et les créanciers. Les excès de ces différents mouvements finirent par les discréditer, et le dauphin avait parfaitement repris en main le pouvoir lorsqu'il fallut mener à leur terme les négociations consécutives à la victoire anglaise de 1356. Pour désastreux qu'il fût, le traité de Brétigny-Calais (1360), qui amputait la France d'une moitié de son territoire et la soumettait au paiement d'une énorme rançon en échange de la personne du roi, offrait cependant une pause dont Charles, dauphin puis roi en 1364, s'entendit à profiter pour remettre le royaume en état de reprendre la guerre.
Charles V fut un homme de cabinet. Diplomate et spéculateur prudent plus que grand capitaine, il se méfiait des coûteuses vertus militaires et prêtait volontiers l'oreille aux conseils des clercs et des universitaires. Un demi-siècle après le temps des conseillers de Philippe le Bel, ce fut le règne d'une nouvelle génération de légistes, théoriciens et apologistes d'un gouvernement monarchique tempéré par le conseil des sages (Philippe de Mézières), voire théoriciens des droits utiles du souverain et de l'usage des mutations monétaires (Nicolas Oresme, évêque de Lisieux et traducteur d'Aristote). Se défiant des princes et des grands féodaux, le roi s'entoura surtout de bourgeois, d'hommes de robe et de petits seigneurs provinciaux.
Fin lettré, amateur de poésie et de musique, Charles V fit de Paris une capitale dont le rayonnement ne se limita pas au domaine politique. Il transforma le vieux donjon du Louvre, qui datait de Philippe Auguste, en lui adjoignant deux corps de logis, avec galeries de promenade et appartements intimes. Dans l'une des tours d'angle, il établit la bibliothèque royale, très rapidement enrichie de manuscrits précieux et de textes rares auxquels les savants eurent libéralement accès. à l'autre bout de la ville, entre la rue Saint-Antoine et la Seine, il fit aménager pour sa résidence personnelle un ensemble de petits hôtels reliés par des galeries à travers des jardins, que l'on appela l'hôtel Saint-Paul. C'était à la fois le témoignage d'un nouvel urbanisme monumental et celui d'un nouvel art de vivre princier. Pour des raisons de sécurité, en revanche, celui qui, dans sa jeunesse, avait dû quitter subrepticement Paris, faute de pouvoir contrôler la ville et de pouvoir y résister à l'émeute, entreprit une enceinte qui doubla, sur la rive droite, la superficie englobée par la vieille muraille de Philippe Auguste. Cette enceinte fut appuyée, à l'est, par la forteresse de la bastide Saint-Antoine, couramment nommée la Bastille. Un prévôt énergique, Hugues Aubriot, tint la ville sous l'autorité royale.
La situation financière fut assainie par la création du franc (27 juillet 1364), pièce d'or pur valant une livre tournois, ce qui faisait coïncider, comme au temps de Saint Louis, la monnaie réelle et la monnaie de compte. Après un ajustement en 1365, la monnaie demeura inchangée jusqu'en 1385. La fin des spéculations monétaires, le retour à la sécurité des créances et la bonne renommée des espèces royales furent, pendant une génération, portés à l'actif de la politique de Charles V et de ses conseillers. Mais, dans le même temps, la préparation de la guerre et de la récupération des territoires perdus en 1360, de même que le paiement de la rançon du roi Jean, poursuivi longtemps après la mort du prisonnier, contraignirent Charles V à renforcer des exigences fiscales qui nécessitèrent la mise en place d'une administration particulière, celle des aides, distincte de l'administration du Trésor qui gérait le domaine royal. Négociées avec des assemblées réunies à des niveaux très divers (villes, bailliages, diocèses, provinces, voire états généraux), les aides devinrent en fait presque permanentes.
Le répit procuré par le traité de Brétigny-Calais et l'assainissement financier permirent au roi d'organiser son armée, de se doter d'une artillerie et d'une marine, de faire restaurer les enceintes urbaines et les forteresses et d'assurer la soumission de la féodalité. Pour commander son armée, il trouva des capitaines de petite noblesse mais de grande réputation, comme le Breton Bertrand du Guesclin, connétable en 1370, ou comme le Bourguignon Jean de Vienne, amiral de France en 1373.
Avant de reprendre la lutte ouverte contre l'Angleterre, Charles V mit fin à l'insoumission de son cousin, le roi de Navarre Charles le Mauvais, dont l'armée, que commandait le captal de Buch, fut vaincue à Cocherel (1364) et qui perdit rapidement la plupart des places fortes qu'il tenait sur la basse Seine. Une habile transaction (traité d'Avignon, 1365) dédommagea le Navarrais, qui reçut les droits du roi sur Montpellier. Charles V mit également fin à son intervention dans la succession de Bretagne et, en reconnaissant le duc Jean IV de Montfort, il priva les Anglais d'un prétexte à débarquement (traité de Guérande, 1365). Cependant, le frère du roi, Philippe, recueillait en 1363 la succession du duc de Bourgogne et épousait en 1369 l'héritière du comté de Flandre. Une alliance avec l'empereur Charles IV renforça la sécurité du royaume vers l'est. Au Sud, le soutien apporté au roi de Castille Henri de Trastamare contre son concurrent Pierre le Cruel procurait, contre la Guyenne anglaise, une alliance de revers en même temps qu'un appui maritime.
Le maintien de l'ordre intérieur importait autant pour l'affermissement de l'autorité royale que pour le rétablissement d'une situation économique bouleversée par la guerre et par les effets démographiques de la peste noire de 1348-1350. Charles V s'employa pendant tout son règne à débarrasser le royaume des bandes de brigands que constituaient les compagnies engagées pour les campagnes et amenées par la force des choses à vivre de rapine, une fois la campagne terminée. Le fisc royal supportait les conséquences de la charge qui pesait de ce fait sur les villes, obligées de se défendre et de payer rançon à tout propos pour n'être pas saccagées. Malgré l'aide du pape, le roi ne réussit pas à détourner vers les Turcs de Hongrie l'énergie des compagnies, car l'empereur leur refusa le passage. En emmenant quelques compagnies combattre en Castille, Du Guesclin n'en débarrassa le royaume que pour un temps très bref. Cette lutte contre les compagnies absorba une bonne part des capacités militaires et financières du royaume.
Pour remettre en cause le traité de 1360, Charles V tira profit du mécontentement des seigneurs gascons qui, contre les abus de l'administration anglaise et surtout du fisc du Prince Noir, firent appel à leur suzerain le roi. La commise (confiscation féodale) du duché de Guyenne fut prononcée en 1369 et la reconquête fut menée très rapidement (1369-1372), grâce à la complicité des villes, qui ouvrirent généralement leurs portes au roi de France par haine du fisc anglais. Le duc de Bretagne ayant pris parti pour l'Angleterre, Du Guesclin occupa la Bretagne en 1373. Le duc d'Anjou prit La Réole, dernière place couvrant Bordeaux, en 1374. Jean de Vienne emporta la place navarraise de Saint-Sauveur-le-Vicomte en Normandie, après un long siège où l'artillerie joua un rôle décisif (1375). Lorsqu'en 1380 moururent successivement Du Guesclin et Charles V, les Anglais ne gardaient de leurs acquisitions de 1360 que Bordeaux et la Gascogne.
Sage mais énergique, lettré mais très réaliste, Charles V rendit à la couronne son prestige. Mais il assurait la stabilité monétaire en négligeant la récession et ses conséquences sociales. Il doutait de son droit à lever l'impôt, en sorte qu'à son lit de mort, pour le salut de son âme, il priva son fils des ressources "extraordinaires" sans lesquelles un roi ne pouvait plus gouverner. En reconnaissant Clément VII comme pape, au lendemain de l'élection contestée de 1378, il contribua d'autre part à perpétuer le Grand Schisme d'Occident, qui allait durer quarante ans. Bien des difficultés qui devaient apparaître sous Charles VI étaient donc en germe parmi les succès indéniables du règne de Charles V.

Charles V

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