JEROME BOSCH



Jérôme Bosch (1450-1516)

Texte tiré de Jérôme Bosch de Michael M. Stanic aux Editions PML


C'est vers l'année 1480 que les documents mentionnent Jérôme Bosch pour la première fois. C'est l'époque où Bosch venait d'épouser l'héritière d'une famille bourgeoise aisée et avait terminé son apprentissage de peintre. II avait alors environ vingtcinq ans et entra peu après dans la confrérie de NotreDame. Bosch était originaire de la ville de Hertogenbosch en Hollande dont il emprunta le nom. Son véritable nom de famille était van Aaken ; ce nom est attesté depuis la fin du XIVe siècle à Hertogenbosch et indique que les ancêtres du peintre étaient venus d'Aix-laChapelle. Bosch était fils d'une famille de peintres vraisemblablement très connue à l'époque, mais qui n'est quand même jamais sortie de l'ombre du milieu où ils vivaient. Bien que sa mère fût couturière, du fait de son mariage et de son appartenance à la confrérie de Notre-Dame, très liée à l'Eglise, Bosch comptait parmi les bourgeois les mieux considérés de sa ville natale. En 1496, Bosch fit la connaissance de Jacob de Almengien, juif riche et influent qui se fit baptiser en présence de Philippe le Beau de Bourgogne et qui devint, comme Bosch, membre de la confrérie. Bien que les documents ne parlent pas de la relation très étroite de Bosch et de Jacob de Almengien avec Philippe le Beau, cette rencontre a certainement marqué un tournant décisif dans la vie de l'artiste, jusqu'alors pratiquement inconnu. La sueur de Philippe le Beau, Marguerite d'Autriche avait le titre de gouverneur des Pays-Bas et habitait à Mecheln. Selon toute vraisemblance, Bosch a entretenu des contacts étroits avec les deux cours ; il obtint ainsi de nombreuses commandes et fit une carrière mondaine. Bien que le terme de « peintre de cour » ne convienne pas ni ne puisse être employé à cette époque, et qu'il ne soit d'ailleurs jamais mentionné dans les documents, on peut admettre que c'était le statut de Bosch. II a trouvé auprès des princes des protecteurs qui lui permirent d'investir toute sa force créatrice dans son activité de peintre. En ce qui concerne l'influence de Jacob de Almengien, nous en sommes réduits pour la plus grande part à des suppositions. II était assurément un commerçant influent; il avait beaucoup voyagé, et par sa croyance antérieure et par son origine, il était familier des connaissances scientifiques les plus modernes et de l'évolution de l'histoire des idées. Dans quelle mesure Jacob de Almengien a-t-il été membre de sectes indépendantes et de confréries, ce serait difficile à établir. Cependant, les documents à ce propos semblent indiquer que Bosch, indépendamment de sa profonde religiosité, ne resta pas tout à fait insensible aux idées du grand maître. D'après les textes de l'époque, ce serait par son intermédiaire que Bosch aurait été initié à la libre pensée et à des idées qu'il transcrivit ensuite sur le mode fantastique dans ses tableaux. Quant à l'appartenance de Bosch luimême à des sectes ou à des associations secrètes, les rumeurs les plus diverses courent à ce propos depuis le XVIe siècle. Assurément, la force créatrice extraordinaire du maître, les motivations insondables de son inspiration aussi bien que les motifs radicalement nouveaux de ses oeuvres, sont autant de raisons pour penser qu'il put faire partie de groupes marginaux plus ou moins hérétiques; mais jusqu'à ce jour, la chose n'a pas été prouvée. Parmi ses protecteurs, il trouva certainement des admirateurs pleins de compréhension et intellectuellement progressistes, puisqu'ils sont parmi ses commanditaires les plus importants en dehors de la confrérie. Dès 1510, ses oeuvres apparaissent dans toutes les grandes collections d'Europe, que ce soit à Madrid, à Venise ou à Bruxelles. Le 9 août 1516, la messe des morts est dite pour Jérôme Bosch.

L'ensemble de l'oeuvre artistique et ses motivations demeurent aussi impénétrables que la vie de Bosch. Les tableaux de l'artiste sont si saisissants par leur dimension symbolique et allégorique, si encyclopédiques en même temps que visionnaires, que des générations de chercheurs consciencieux n'en ont pas épuisé l'interprétation. Bosch s'inspire d'abord de la « Légende dorée », il se consacre ensuite à la peinture des souffrances du Christ et il termine en explorant de nouvelles voies dans l'interprétation du « Jugement dernier ». Jusque-là, ces thèmes qui relèvent essentiellement de la doctrine chrétienne étaient mis en oeuvre suivant des modèles traditionnels très stricts qui s'étaient formés au cours des siècles et n'avaient guère évolué. Les modes de représentation étaient, à peu d'exceptions près, soumis à un système hiérarchique rigoureux et à la doctrine de l'Eglise dogmatique. Les changements ne s'amorçaient que timidement, en sorte que les peintres n'avaient guère l'occasion de modifier de manière fondamentale leur interprétation du contenu traditionnel des tableaux. Une « Madone », un « Saint Jean » ou un « Jugement dernier » étaient soumis aux mêmes lois sévères et on ne pouvait se permettre que d'infimes variations de la perspective, de l'utilisation des espaces et surtout des paysages, rien d'autre n'était admis de l'Eglise ni de l'Etat.

Bosch survient donc comme l'enfant des temps modernes qui s'annonçaient, et il révolutionne la peinture par sa manière extrêmement impétueuse et imaginative de traiter ces sujets familiers. Et tout de suite, il fait l'objet d'une admiration, qui reste incompréhensible, mais aussi de la calomnie et de diverses attaques infâmes qui l'accompagneront tout au long de son itinéraire. Ne voilà-t-il pas que brusquement, au lieu de représenter le « Jugement dernier » sous sa forme habituelle, il remplace la scène du jugement par un char de foin que tirent toutes sortes d'individus fous et de démons. Le « Jugement dernier » se transforme ainsi en représentation de tous les vices et péchés de la terre. Bosch reprend tous les thèmes bibliques, mais il modifie le message de manière à mettre l'homme au centre de son oeuvre. II se dégage en cela du Moyen Âge qui avait toujours considéré l'homme comme une créature subalterne. Si désormais l'homme est peint dans un esprit réaliste, on se rapproche de la Renaissance et c'est un esprit nouveau qui voit le jour. Toutefois, dans les arts de la Renaissance, et en particulier de la Renaissance italienne, l'homme est considéré comme la quintessence de la Création. II est le sommet de tout ce qui existe et se pose comme un être, lui-même créateur, qui a pris entre ses mains son destin, indépendamment de l'Eglise et de l'Etat. Pour Bosch, certes l'homme est au centre de la création, mais sous la forme que lui confèrent sa bêtise infinie, ses vices et ses péchés. Pour rendre encore plus claire cette opposition, l'artiste sépare la représentation du monde de la représentation de l'homme, chose qui aurait paru originellement impossible dans la Renaissance italienne. Pour Bosch, le paysage est un monde sans importance, soumis à des lois cosmiques et qui n'a pas grand-chose à voir avec l'homme, ou bien une représentation fantastique et allégorique d'un artifice poussé à l'extrême pour faire ressortir les vices des hommes et leurs conséquences.





Jerome Bosch - Haywain (1500)
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Jerome Bosch - La guerison de la folie (1475-1480)
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Jerome Bosch - La tentation de St Antoine (1510) - 1 - gauche
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Jerome Bosch - La tentation de St Antoine (1510) - 2 - milieu
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Jerome Bosch - La tentation de St Antoine (1510) - 3 - droite
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Jerome Bosch - Le bateau de la folie (1490-1500)
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Jerome Bosch - Le jardin des delices (1504) - 1 - gauche
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Jerome Bosch - Le jardin des delices (1504) - 2 - milieu
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Jerome Bosch - Le jardin des delices (1504) - 3 - droit (2)
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Jerome Bosch - Le jardin des delices (1504) - 3 - droit
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Jerome Bosch - Le jardin des delices (1504) - 4 - ferme
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Jerome Bosch - Seven Deadly Sins (1475-1480)
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