C'est une des plus extraordinaires figures du Haut Moyen Age. Extrême dans le mal comme dans le bien, il fut un de ces grands féodaux contre lesquels nos rois ont dû lutter avec persévérance pendant plusieurs siècles pour arriver à constituer l'unité de la France. Des flammes sortent de toutes les fenêtres de l'abbaye de Saint-Florent à Saumur. Les moines affolés, se précipitent dans l'église à travers la fumée, au risque d'être écrasés sous les poutres embrasées ; ils sauvent non sans peine la châsse de saint Florent, tandis que le château fort tout proche brûle. Foulques-Nerra, comte d'Anjou, debout sur un tertre, reste impassible. Il regarde le désastre qu'il a voulu, le brasier que ses troupes ont allumé. — Laisse-toi brûler saint Florent, s'écrie-t-il, et je te bâtirai une basilique à Angers qui vaudra bien celle-là. On lui mène des prisonniers. Il en gifle un avec une telle force qu'il lui arrache un œil. Les autres sont massacrés. Quant aux fils du gouverneur de la forteresse de Saumur, il les livre à la torture. Une bête d'actionC'est ainsi qu'on verra souvent ce puissant comte d'Anjou, chef de guerre et stratège génial, pilleur de villes, fondateur d'abbayes, assassin de ses prisonniers, incendiaire de fermes et de couvents, auteur de supplices atroces, pèlerin repentant en Terre Sainte, généreux bienfaiteur de ses serfs et de ses manants, surnommé Nerra — le « faucon noir » —, né vers 972 ou 987, fils de Geoffroy, surnommé « Grise-gouelle » et vassal du roi de France qui était alors Robert le pieux.Rien n'était moins confortable à la fin du Xe siècle que la situation du roi dans son petit domaine qui s'étendait à peine de la Meuse à l'Île-de-France et ne dépassait guère Orléans au sud. Entouré de vassaux inquiétants, Robert le pieux et son successeur Henri Ier ont plus d'une fois tremblé devant leurs exigences. |
Philippe de Froberville