Les Très Riches Heures du Duc de Berry représente le livre des heures, tel qu'il a existé dans la plus pure tradition médiévale. Il s'agissait en fait d'une collection de textes pour chaque heure liturgique de la journée -d'où le nom de cette oeuvre-, qui incluait également des textes et écrits supplémentaires. Calendriers, prières, psaumes et messes y étaient d'ailleurs fréquemment inclus.
Les Très Riches Heures est une pièce absolument unique et merveilleuse, archétype véritable de l'Art Gothique. C'est une des premières fois dans l'histoire artistique, que le calendrier sert de base à un ornement et à un raffinement aussi poussé dans les détails. Les miniatures sont remarquables dans leur disposition dans l'enluminure, ce qui laisse penser, d'après le style, que l'un des auteurs de ces enluminures avait visité l'Italie, tout en donnant une place importante aux peintures descriptives des paysages du Nord.
Les images que nous avons mises sur ce site internet sont issues de la partie qui concerne le calendrier des Très Riches Heures. Les douzes enluminures ont été peintes entre 1412 et 1416, et constituent indiscutablement un chef oeuvre de la culture française du Moyen-âge. En terme d'importance culturelle ou historique, on pourrait sans doute comparer les Très Riches Heures au chef d'oeuvre de Leonardo Da Vinci, La Joconde, représentant ainsi un travail d'enluminure tout à fait exceptionnel.
Le livre de prière utilisé par un laïc pour ses dévotions privées, contenait les prières et les méditations adaptées aux divers moments de la journée, mais aussi au jour de la semaine, au mois, et à la saison. Ces livres devinrent extrèmement populaires au XVème siècle, au point qu'ils devinrent les livres les plus enluminés dans toutes les catégories. A partir du XVème siècle, des versions imprimées par moules à bois, firent également leur apparition. Le plus célèbre de ces livre des Heures est sans doute celui des Très Riches Heures du Duc de Berry (Musée Condé, Chantilly)
Les Très Riches Heures du Duc de Berry ont été peintes par trois frères, les frères Limbourg, Paul (Pol), Hermann et Jean (Jannequin). Ils étaient tous trois originaires de la ville de Nijmegen, qui se trouve aujourd'hui dans les Flandres, mais étaient fort probablement des Allemands. On ne sait que peu de choses à propos de ces artistes exceptionnels. Ils seraient nés entre 1370 et 1380, dans une famille d'artistes. le père aurait été un sculpteur sur bois et leur oncle, Jean Malouel, un artisant d'art au service de la Reine de France et du Duc de Bourgogne.
On retrouve la trace des trois frères Limbourg en 1390 chez un orfèvre à Paris. En 1042, Jean et Paul trvaillent pour Philippe le Chauve, Duc de Bourgogne, et à la mort de ce dernier, Il semble que les trois frères aient suvi la trace de leur oncle, en entrant en qualité d'artistes, au service du Duc de Bourgogne. En 1408, ils sont les protégés artistiques de Jean, Duc de Berry, qui est, à cette époque, le plus grand, généreux et riche mécène et protecteur des Arts en France. Les frères Limbourg ont également été les auteurs de nombreuses autres pièces artistiques, mais qui sont aujourd'hui, disparues. Ils gardèrent une position tout à fait prvilégiée à la cour de Jean de Berry, qui se déplaçait avec eux lors de la tournée de ses résidences à travers la France.
C'est en février 1416 que les trois frères Limbourg meurent, dans leur jeune trentaine, probablement victimes d'épidémies, puisque la peste faisait des ravages dans ces régions du monde.Les Limbourg ont illuminé deux manuscripts pour la célèbre bibliothèque de Jean de Berry: Les Belles Heures (Met. Museum, New York, c. 1408) et les Très Riches Heures (Musée Condé, Chantilly), qui fut commencé aux alentours de 1413 et resta inachevé à leurs morts. Cette oeuvre fut complétée et achevée par le français Jean Colombe (1440-93?) à peu près soixante-dix ans plus tard.
Jean de France, duc de Berry, 3ème fils de Jean II, naquit au château de Vincennes en 1340, était l'un des plus importants membres de la Noblesse en France au XVème siècle. Ses frères étaient Charles V, le Duc d'Anjou et le Duc de Bourgogne, et ses neveux étaient Charles VI et le Duc d'Orléans. Il fut fait Comte de Poitiers en 1356, Duc d'Auvergne et de Berry en 1360. De par sa position politique, il a été impliqué dans les affaires royales, et alors qu'il était proche des Nobles de l'Armagnac, ses possessions bourguignonnes ont été maintes fois objet d'attaques des foules de Bourgogne. Pensons ici à l'attaque de son château de Bicêtre, en 1411, brûlé dans son intégralité, et provoquant la destruction de nombreuses oeuvres des frères Limbourg. En 1416, il mourrut, le coeur brisé par la défaite de la noblesse et de la monarchie française à la bataille d'Azincourt l'année précédente.
Il était probablement le meilleur connaisseur des Arts visuels de la période médiévale, avec une particulière prédilection pour les bijoux, les châteaux, l'artisanat et les animaux exotiques. Il protégea les arts et les lettres et fut un généreux mécène en même temps qu'un grand collectionneur. Parmi sa magnifique collection de châteaux, citons par exemple ses possessions de Saumur et de Bicêtre, ses rubis de 240 carats, son élevage d'autruches et de chameaux, mais bien sûr, sa magnifique collection de livres. On trouvait dans sa bibliothèque aussi bien des mappemondes, des traité d'astronomie, que de nombreux livres religieux : 14 bibles, 16 recueils de psaumes, 18 bréviaires, 6 missels et pas moins de 15 livres d'heures, y compris bien entendu celui de ses Très Riches Heures, conservé à Chantilly, qui est l'un des plus beaux manuscrits qui existent actuellement.
Les frères Lýmbourg ont utilisé une impressionante gamme de couleurs, obtenues à partir de minéraux, de plantes ou de dérivés chimiques, mélangés avec de la gomme arabique ou tragacintique afin d'obtenir un liant pour la peinture. Parmi les couleurs inhabituelles pour l'époque, citons le vert de flambe, obtenu à partir de fleurs écrasées, et le bleu, appelé azur d'outrème, obtenu grâce à des pierres précieuses venues du Moyen-Orient, des lapis-lazuli, broyées et pilées pour donner ces bleus si éclatants (ce qui donne à réfléchir sur le prix de l'oeuvre, même à l'époque!)
Les détails particulièrement fins, ce qui semble être une des qualités des frères Limbourg, étaient obtenus à l'aide de brosses et de pinceaux vraiment fins, mais également grâce à un travail réalisé sous des loupes grossissantes. Les additions artistiques opérées à la fin du 14ème siècle par l'artiste Jean Colombe, ont été effectuées avec moins de finesse que la base même de l'oeuvre. Ainsi, le calendrier reste tout de même pour l'essentiel, l'oeuvre des frères Limbourg, à l'exception peut-être du mois de novembre, où l'on peut aisément reconnaître la patte de l'artiste Colombe.
La surface est douce et lustrée, obtenue par du verre fondu préparée sur une surface, généralement de métal. Cette technique est également appliquée à tout objet qui est fait, ou décoré à partir de ces matériaux. L'histoire des émaux appartient d'ailleurs, à l'histoire de la bijouterie ou de l'orfèvrerie, ainsi qu'à la science des Arts décoratifs, mais rappelons nous qu'au Moyen-Age, l'usage des émaux était plus répandu qu'aujourd'hui, notamment l'autel de Klosterneuburg par Nicolas de Verdun.
Aujourd'hui, les émaux sont surtout utilisés comme protéction ou recouvrement, comme le sont la peinture ou la laque, sur des objets de bois, de métal, etc...
Le terme "genre" est utilisé en histoire de l'Art et dans la critique pour l'étude des scènes peintes, représentant des scènes du quotidien. Il peut être appliqué à n'importe quelle période ou à n'importe quel style, mais il est largement utilisé pour décrir les oeuvres des artistes hollandais du 17ème siècle qui ont dépeint les scènes du quotidien. Dans un sens plus général, le terme "genre" est employé pour qualifier une branche ou une catégorie particulière de l'Art: paysage et portrait, par exemple, sont des genres de peinture, et l'essai ou la nouvelle est un genre en littérature.
Pour imprimer avec un morceau de bois, on sciait le bois dans le sens du fibre. C'est la plus ancienne technique que l'on connaisse et ses principes sont fort simples. Le dessin est fait dans du bois de moyenne dureté, et les parties qui doivent rester blanches lors de l'impression sont retirées à l'aide de couteaux et de gouges, laissant ainsi le dessin à imprimer apparaître en relief. Il est ensuite trempé dans l'encre et pressé contre un morceau de papier.
Les origines des pièces de bois dans l'impression sont assez obscures (le principe était utilisé dans les productions artisanales au Moyen-Orient déjà au Vème siècle de notre ère, mais la pièce de bois (en imprimerie) telle que nous la connaissons en Europe est apparue au début du XVème siècle. La pièce la plus ancienne que l'on connaisse est sans doute celle de Saint Christophe (1423) par un artiste inconnu, et qui se trouve dans la John Rylands Library, de Manchester. Il était utilisé comme un élément technique décoratif dans les premiers temps de l'imprimerie, mais au XVIème siècle, on s'en servit pour faire des traits et des gravures, rendant par là son utilisation plus subtile
Le Duc d'Aumale a décrit cette miniature dans les termes suivants :
« Le Duc de Berry est assis, suivant la tradition, le dos au feu, le ventre à table ; il est coiffé d'un bonnet de fourrure ; sa robe est longue et bleue, fourrée et brodée d'or. Le dais qui abrite sa tête est d'étoffe rouge, chargé d'écussons semés de France.à la bordure engrelée de gueules et parsemé d'ours et de cygnes blessés (souvenir d'une dame, dit-on URSINE). Armes et emblèmes sont répétés dans la bordures des tapisseries qui décorent la salle et qui présentent, elles-mêmes, des tableaux complets, sujets de guerre traités avec le plus grand soin, château-fort, rencontres d'hommes d'armes à cheval ou à pied, boucliers et bannières armoriés, etc... Au premier plan, écuyers tranchants, valets du gobelet, lévriers. Tous les costumes sont pittoresques et l'harmonie des couleurs charmante. Au bout de l'estrade où siège le Duc, un personnage qu'à son manteau rouge et son costume ecclésiastique on prendrait pour un cardinal, s'assoit humblement et semble remercier le prince de l'honneur qui lui est fait. Cette figure très étudiée et pleine d'expression, est certainement un portrait qui fait pendant à celui du Duc. Est-ce à ce prêtre, pèlerin ou cardinal, que s'adresse le chambellan qui, se promenant avec sa chaîne et son bâton d'office, jette ces mots écrits : « Approche, approche » ? Encore une figure qui peut bien être peinte d'après nature. Au second plan, des seigneurs ou écuyers se chauffent au feu qui pétille dans une cheminée de pierre et se protègent contre son ardeur en tournant la tête et en étendant les bras. Un écran circulaire en jonc abrite le dos du duc ».
Comme complément à ces indications, il y aurait encore tout un ample commentaire à consacrer à cette page très vivante, nous montrant de si nombreux personnages et où l'image du Duc de Berry est un portrait pris sur le vif, dont nous sommes à même de contrôler l'absolue ressemblance.
Parmi les acteurs de la scène figurent, sur le devant, têtes nues, en habits d'intérieur, des serviteurs du duc, tels que deux écuyers tranchants vus de dos, l'un en robe verte damassée, l'autre en costume mi-partie de deux tons verdâtres, un échanson habillé de bleu, et, près du bout de la table, occupé à tailler des parts, un panetier en surtout rouge recouvrant un vêtement noir. Echanson et panetier portent des feuilles d'oranger brodées sur leurs habits. Les branches d'oranger constituaient un des emblèmes des livrées de la Maison Ducale. On en voit aussi sur le dais qui surmonte la cheminée, où elles accompagnent les armoiries, les ours et les cygnes.
Dans certaines familles, on ne célébrait guère Noël, bien que certains soient catholiques: on donnait un cadeau chaque année qu'on appelait les étrennes. Ce mot remonte à l'usage romain de par lequel le patron devait offrir une subside annuelle à ses clients. Il est possible que la télévision ait donné le dessus à la fête de Noël sur l'Epiphanie. (Commentaire de mmurphy@ernsty.co.uk)
On voit les habitants d'une ferme se réchauffant près du feu, tandis qu'à l'arrière-plan la vie quotidienne - couper du bois, amener le bétail au marché - continue normalement.
Les paysans taillent la vigne et labourent les champs. L'un d'eux vanne le blé ou des graines.
Les détails de la construction du château sont exacts. On peut mettre leur nom sur les tours et les portails.
Au sommet de la tour poitevine, un dragon ailé : la fée Mélusine qui « vient à travers les airs retrouver son mari Raymondin ».
Là fut le berceau des Plantagenet et de La Rochefoucauld. Le Duc de Berry en fit une de ses résidences favorites.
On remarquera les deux hautes tours dont le donjon à échauguette et la chapelle du château.
C'est un type des châteaux de cette époque à la fois domaine fortifié et résidence seigneuriale.
Le miniaturiste, malgré les couleurs, a traduit la misère des costumes paysans.
Dans le château de Dourdan, forteresse assez sûre, le Duc de Berry déposait une partie de ses objets précieux.
Sur l'étang, deux barques de pêcheurs traînent un filet. Dans le jardin, les arbres fruitiers, taillés et rattachés, commencent à fleurir.
« Avril, l'honneur des bois
Et des mois
La douce espérance...
Des jeunes filles cueillent les premières fleurs dans la prairie ; des fiancés échangent l'anneau qui engage leur foi.
Capitale du duché d'Auvergne, l'un des fiefs du Duc de Berry. Le 1er Mai est jour de grande fête à la cour de France.
Précédés de musiciens, des jeunes gens formés en cavalcade parcourent la campagne. Ils sont couronnés de feuillage.
Trois des amazones portent la « livrée de May », de drap « vert-gay » dont Charles VI aimait gratifier ses familiers à l'occasion du renouveau.
En tête, un élégant cavalier peut être un prince du sang ; il porte les couleurs du roi de France, à cette époque, mi-partie rouge, mi-partie blanc et noir.
Le Palais et la Sainte Chapelle sont représentés tels que le Duc de Berry les voyait des fenêtres de son hôtel de Nesles, situé sur la rive gauche de la Seine. On reconnaît les tours de la Conciergerie, la tour de l'Horloge, les deux pignons de la grande salle du palais. Entre les bâtiments et le mur d'enceinte crénelé on aperçoit du dehors des berceaux de feuillage et de fleurs. A gauche, une curieuse poterne donne sur la Seine.
Au premier plan, la fenaison.
La Sainte Chapelle bâtie sous Saint Louis existe toujours. Le Palais des rois de France élevé par Robert le Pieux, agrandi par Philippe le Bel fut incendié en 1871 et reconstruit. C'est aujourd'hui le Palais de Justice.
Bâti à la fin du XIIe siècle, le château de Poitiers s'inscrit dans un triangle entre deux cours d'eau, le Clain et la Boivre ; le Duc de Berry le reconstruisit. On distingue les gables élégants (fenêtres) qui donnent sur la cour intérieure. Le dessin du pont de secours en bois fournit de curieux renseignements archéologiques sur les dispositifs adoptés par les ingénieurs militaires en ce point de la défense.
Des moissonneurs coupent les blés à la faucille, tandis que des bergers tondent les moutons.
Le mois des fauconniers; les nobles, portant des faucons, vont à la chasse tandis qu'à l'arrière-plan les paysans moissonnent et nagent dans la rivière. Derrière eux on voit le Château d'Etampes.
Le château est peint avec une exactitude minutieuse : ce qui en subsiste le prouve et nous donne toute confiance dans la reproduction par les Limbourg, d'autres monuments disparus au cours des âges. Une rangée de fleurs de lys couronne les tours et les créneaux des courtines et ce sont aussi des fleurs de lys que s'élancent les hautes girouettes. A gauche, une énorme cheminée pyramidale indique l'emplacement des cuisines.
Des vendangeurs cueillent le raisin du cru célèbre de Saumur.
Aucune autre image ne donne une vision aussi exacte et aussi complète du Louvre de Charles V. Entre le mur d'enceinte et la Seine, des promeneurs circulent sur une terrasse, des marches permettent d'accéder à la berge du fleuve où accostent les barques.
Au premier plan, les semailles ; des fils où flottent des bouts d'étoffe sont tendus sur des piquets pour effrayer les oiseaux et un épouvantail simule un archer prêt à tirer.
Un des paysans sème, l'autre herse pour enfouir le grain.
C'est la seule image de calendrier réalisée par Colombe; les frêres Limbourg peinrent seulement le tympan zodiacal du dessus.
L'image montre la récolte des glands à l'automne, avec un paysan jetant des bâtons pour faire tomber les glands avec lesquels ses porcs se nourissent.
Dans la forêt de Vincennes, célèbre pour son jeu, une chasse au sanglier a attrapé un verrat qui est déchiré par les chiens de chasse.
A l'arrière-plan on a le Château de Vincennes, longtemps une résidence royale française.