Le Livre de Kells
un manuscrit de l'an 800
Au 8ème siècle, la culture latine de l'Irlande est bien supérieure à celles de l'Angleterre anglo-saxonne, de l'Italie lombarde et de la France mérovingienne.Ecrit au début du 9ème siècle, le Livre de Kells est reconnu comme l'apogée de la production des manuscrits "insulaires". En décorant de manière unique le texte des quatre évangiles, ce chef d'oeuvre nous plonge dans l'histoire comme dans l'imaginaire médiéval.
Chaque jour, au Trinity College de Dublin, une page de ce trésor sur vélin est tournée.
Liens : http://bookofkells.free.fr/
Enluminures irlandaises
Il fallait sans doute les découvertes et l'évolution de l'art depuis un siècle pour réhabiliter l'art irlandais du haut Moyen Age. L'esprit classique ne pouvait en effet manquer de considérer comme grossier ou sacrilège un art qui n'est pas nécessairement copie des apparences et présuppose toujours un langage abstrait.Un des traits les plus frappants de l'art irlandais à cette époque est sa remarquable continuité. De la fin du VIe siècle, date des plus anciens manuscrits retrouvés, à la fin du XIIe siècle, le principal souci des artistes irlandais sera de combiner des motifs abstraits selon des règles rigoureuses et complexes. Dans ce système, les apports extérieurs viennent s'incorporer de siècle en siècle, mais toujours ils seront assimilés et soumis à la même discipline.
Seul le contexte historique permet d'expliquer cette persistance d'une tradition artistique jusqu'au plein Moyen Age, alors que des conceptions différentes prévalent dans tout l'occident. En effet, depuis que les derniers groupes celtiques ont atteint l'Irlande lors de la conquête de la Gaule, avec leurs dieux et leur culte, cette île vit à la périphérie de l'Empire, protégée des influences gréco-romaines par quelques kilomètres de mer mal famée. Et lorsqu'au Ve siècle le christianisme s'implante en Irlande, un des plus cohérents systèmes d'art abstrait s'est élaboré. De même que le christianisme remplace sans violence le culte celtique, l'art païen se transforme sans transition en art chrétien. Phénomène banal en soi, mais plus profondément retrouvé en Irlande où les traditions artistiques païennes sont bien enracinées et codifiées.
Les cryptogrammes païens deviennent peu à peu des symboles chrétiens, mais l'esprit qui les anime en un monde multiforme et changeant a la nostalgie d'un voyage vers un autre monde, le pays des morts que les celtes plaçaient au-delà de l'horizon occidental.
Cette persistance d'une riche tradition préhistorique marquera quatre siècles d'art irlandais et influencera profondément l'art roman. Même l'invasion des Vikings à la fin du VIIIe siècle, qui entraîne deux cents ans de chaos et l'exode des moines et des scribes sur le continent, ne pourra détruire cette unité.
C'est dans l'enluminure et l'orfèvrerie que cet art exploite le mieux son énergie créatrice. Les monastères constituant l'armature intellectuelle et artistique du pays, les manuscrits décorés sont presque tous des copies des évangiles. Ce n'est qu'au XIe siècle, lorsque le mécénat royal devient prépondérant, qu'apparaissent des artisans laïques et les ouvrages destinés à l'étude ainsi que quelques grands recueils de poèmes, d'épopées ou de compilation historique.
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