Des enluminures diverses
La société médiévale
Livre du Gouvernement des Princes, par Gilles de Rome (MF 126 F° 7).
NOTA : Gilles de Rome fut précepteur de Philippe le Bel.
Cette page a l'avantage de représenter la société féodale avec ses trois ordres : Clergé, Noblesse et Tiers-État.
En haut, le roi, assis sur son trône, reçoit les prélats {un cardinal vêtu de rouge, deux évêques coiffés de la mitre et derrière eux, un moine vêtu de bure). A droite le dauphin et quelques grands seigneurs. Le roi écoute leurs doléances et leurs suggestions. A cette époque le roi avait souvent, pour conseillers, des nobles de petite lignée qui traitaient de toutes les questions se rapportant à la monarchie.
En bas, à gauche, le commerce, apanage de la bourgeoisie. Un marché est conclu entre les armateurs qui, par bateau, par mer et sur le fleuve, amènent la marchandise et les commerçants qui la revendront. Remarquer le pont à tourelle qui enjambe la rivière.
A droite les travaux des paysans : semailles, labour, hersage, bêchage, taille des arbres fruitiers. Deux paysans piochent. La charrue, du type de celles utilisées dans le Nord de la France, comporte déjà d'importants perfectionnements : un chariot de roulage avec deux roues et une chaîne de tire, des mancherons, l'âge et le versoir. Le soc et le coutre sont même garnis de fer alors qu'au siècle précédent, ils étaient simplement en bois. La charrue est la seule machine perfectionnée qu'aît connu Je Moyen-Age où l'on n'utilisait guère que la bêche, la houe, la faucille ou la faux, la serpe et le fléau.
Aussi suffisait-il d'une mauvaise saison ou d'une guerre pour causer de terribles famines.
Scène de brigandage
Cette illustration est empruntée aux "Miracles de Notre-Dame" qui datent du 15e siècle.
"Routes et chemins étaient moins sûrs à ce moment-là que quand les Anglais guerroyaient à travers la France", écrivait un chroniqueur de la fin du 14e siècle. En effet, les marchands ou les voyageurs étaient peu en sécurité sur les chemins et dans les bois qu'ils devaient emprunter. Les scènes de brigandage semblables à celle que nous reproduisons ici étaient fréquentes. Derrière un rocher, les brigands ont tendu un piège et assaillent un marchand près d'une ville dont on voit au fond l'église. A gauche deux hommes pendus à un arbre, à droite un mourant au pied d'un autre arbre.
Grammaire syriaque, Labyrinthe représentant Jéricho et Josué terrassant ses ennemis, bibliothèque de Beyrouth, Liban.
LE DUC DE BOURGOGNE ACCORDE UNE CHARTE AUX GANTOIS (M.F. 2644, f° 346).
La légende dit : « Comment le Duc de Bourgogne pardonna aux Gantoys tous maléfices et rebellions. Et comment cette paix fut traictée tout au long et démenée ».
Il s'agit du Duc de Bourgogne Philippe Le Bon, contre qui les Gantois s'étaient révoltés. On voit ici la milice en armes écoutant la lecture du traité ou charte.
Chroniques et conquestes de Charlemaine, Siège de la ville de Bude
On remarquera les armures des combattants : heaume à visière ou simple casque appelé salade, cuirasse à mi-corps, cotte de mailles, genouillère, Ils se servent d'épées, d'arcs, de piques et d'arbalètes. Les assiégés jettent des pierres du haut des remparts. Les assiégeants dressent des échelles.
Chroniques de Froissart (Manuscrit Français 2644, folio 81), Soumission des Gantois à Louis Comte de Flandre
La légende dit : « Comment le Comte Loys de Flandre ala a Gand et comment il si conduisit. Des termes que on lui tint. Comment il se partit et comment les Gantoys pensèrent à leur affaire».
Gand était à cette époque (1336) une cité opulente grâce à ses drapiers. Mais les Gantois veillant à leurs intérêts songeaient à faire alliance avec l'Angleterre, à la fois client et fournisseur.
Par la suite, la venue de Louis, Comte de Flandre, fidèle au roi de France, devait être assez mal accueillie. On voit ici les Gantois qui viennent présenter leur doléances, craignant qu'on attente à leurs libertés.
On remarquera avec quelle déférence les bourgeois se présentent au Comte qui est leur seigneur et maître. De cette querelle de Flandre devait sortir, selon certains historiens, la guerre de Cent Ans :
« L'Angleterre, agricole, ne fabriquait pas encore. Elle donnait la matière, la laine, d'autres l'employaient ; ces autres étaient les Flamands, le peuple le plus industrieux de l'Europe. Le fermier et le boucher anglais étaient unis au drapier flamand d'une alliance indissoluble. La France voulut la rompre, il lui en coûta la guerre de Cent Ans». (MICHELET).
A la suite de la violation des franchises municipales par le comte de Flandre, les Gantois, menés par un certain Arteveld, se révoltèrent et firent alliance avec les Anglais.
Histoire de Rome, (Manuscrit Français 364, folio 174), Une ville au Moyen-Âge
Cette page extraite d'une histoire de Rome écrite au XllIe siècle est caractéristique de la « manière » des écrivains et enlumineurs de cette époque. La légende dit: «Comment Scipion l'Africain fut fait consul de Rome ». Mais le décor est celui d'une ville du moyen âge avec ses remparts, ses tours, ses maisons serrées les unes contre les autres et que l'enlumineur a agrémentés d'ornements architecturaux divers. Les costumes sont fantaisistes mais les boutiques avec leurs auvents garnis de marchandises diverses, les hautes murailles, les portes fortifiées, sont caractéristiques de l'époque médiévale.
La renaissance des villes
Tiré de "Documentation Historique" N°28, 17/04/1970
Le renouveau industriel et commercial des IXe et Xe siècles provoqua un regroupement des populations auprès des résidences seigneuriales ou ecclésiastiques, comme dans le cas de Bruges. Jean Lelong, chroniqueur de Saint-Bertin, retrace au XIIe siècle la naissance de cette ville, deux siècles auparavant :
(Beaudoin 1er avait édifié un rempart pour protéger sa résidence des pirateries normandes.) Par la suite, pour les besoins et les nécessités de ceux de la forteresse, commencèrent à affluer devant la porte, auprès de la sortie du château, des négociants, c'est-à-dire des marchands d'articles coûteux, ensuite des taverniers, ensuite des hôteliers pour la nourriture et le gîte de ceux qui poursuivaient des affaires avec le seigneur souventes fois présent, de ceux qui construisaient des maisons et préparaient des auberges pour les personnes non admises à l'intérieur de la place. Leur formule était : « Allons au pont. » Les habitants s'y accrurent de telle sorte que bientôt naquit une ville importante qui jusqu'aujourd'hui conserve son nom vulgaire de pont, car « brugghe » signifie pont en langue vulgaire.
Maints centres épiscopaux et monastères, qui possédaient des reliques miraculeuses, furent à l'origine des villes. En relatant le pèlerinage de: Saint-Trond, au XIe siècle, l'abbé Rodolphe nous fournit implicitement le processus de formation de l'une de ces villes :
Ce qui concourait encore à l'accroissement de ces richesses, c'était le tombeau de saint Trudon, où se manifestaient journellement avec éclat de nombreux miracles, dont la réputation était à tel point répandue de par le monde que ni l'enceinte de l'abbaye, ni même le territoire de notre ville ne suffisaient à contenir la foule des pèlerins. En effet, jusqu'à près d'un demi-mille, à la ronde à partir de notre vile, sur toutes les voies publiques qui y convergeaient, mais aussi à travers les champs et les prés, une masse de pèlerins — nobles, hommes libres et gens du commun — affluaient chaque jour, mais plus particulièrement lors des fêtes. Ceux qui, en raison de l'affluence, n'avaient pu trouver place dans les maisons des gens de la ville logeaient dans des tentes ou dans des abris improvisés à l'aide de branchages et de tentures ; on aurait cru qu'ils avaient pris position autour de la ville pour en faire le siège.
Ajoutez à cela une quantité de marchands qui, avec leurs chevaux, leurs voitures, leurs chariots et leurs bêtes de somme parvenaient à peine à amener de quoi subvenir aux besoins de la foule des pèlerins. Que dire alors des offrandes qu'on faisait à l'autel ? Sans parler des bêtes de somme, des chevaux, des bœufs, des vaches, des porcs, des moutons et des brebis qu'on amenait en quantité incroyable, ...
Chroniques de Froissart (Manuscrit Français 2644, folio 1), Décapitation
II s'agit ici d'une décapitation qui a lieu devant le Duc de Bourgogne et sur son ordre. Les gens de justice, vêtus de violet et chaperonnés de noir, assistent à l'exécution. Derrière, une ville avec ses rues et ses fenêtres à grilles. Un beau spécimen de beffroi (horloge à cadran rouge) et une boutique avec enseigne figurée donnent à cette miniature, par ailleurs très réaliste, la valeur d'un document.
Les mots boutique et étalage ne sont d'ailleurs pas employés au Moyen Age. On disait «ouvroir> pour l'atelier ou l'arrière-boutique et «fenêtre» pour l'étalage. Un auvent protégeait ta fenêtre du soleil et de la pluie. Maître et compagnons travaillaient sous les yeux du public. Ils appartenaient à une corporation qui avait ses règlements très stricts, son saint patron dont l'image était brodée sur sa bannière et dont elle entretenait la chapelle à l'église (Saint Eloi pour les orfèvres, Saint Joseph pour les charpentiers, Saint Fiacre pour les jardiniers, Saint Pierre pour les boulangers, etc...}. Les corporations ont leurs armoiries : les clés des serruriers, le tranchet du cordonnier, en or sur fond d'azur ou de gueules... Souvent les métiers sont groupés par rues : rue des boulangers, des Febvres (forgerons] des Lombards (banquiers).
Les jurés ou prud'hommes sont chargés de veiller à l'observance des règlements.
Porte et intérieur d'une ville, L'auteur offrant son oeuvre à Philippe le Bon
On voit ici l'entrée d'une ville avec ses commerçants ambulants ; marchands de poissons, cabaretiers, brodeuse ou lingère et sous la porte, écrivain public qui, peut-être, perçoit un droit de péage ou un octroi. Les costumes sont ceux de l'époque : houppelande ou pourpoint court et plissé ; haut de chausse collant et poulaines pointues. Au fond, une maison à galeries extérieures.
Comment vivait-on dans, ces villes du MOYEN-AGE ?
« Sitôt que le guetteur qui veille toute la nuit au sommet de la tour du beffroi ou du clocher de la cathédrale a annoncé l'aube en sonnant de sa trompette, des boutiques ouvrent leurs lourds volets de bois, les cloches de certains métiers tintent pour appeler les artisans, les rues et les places se remplissent de monde. Bientôt, sur toutes ces clameurs, les cloches des églises, des chapelles, des couvents, des hôpitaux, des hospices, épandent à pleine volée leurs carillons sonores : c'est l'heure des offices. Des marchands, le dos ployé sous le poids de leurs outils ou traînant leurs denrées dans de petites charrettes, passent en poussant dans l'air leurs cris retentissants. Et par instants, des crieurs des trépassés défilent en sonnant leurs clochettes, s'arrêtant de temps eh temps pour publier les noms des décédés et convier à leurs funérailles. Aux halles surtout, situées près de l'hôtel de ville, la foule est compacte ; là, s'étalent dans de petites échoppes les plus riches étoffes, les plus brillants bijoux, les meilleures armes, les meilleurs fruits, les plus belles viandes ; non loin, en outre, est le pilori sur sa tour octogone et, si c'est le jour de marché, on peut être certain de voir supplicier quelque condamné. Enfin, la nuit tombée, les cloches commencent à sonner pour appeler les fidèles à la prière du soir ; les petits enfants s'en vont, gambadant et sautant, acheter le vin ou la moutarde pour le souper de leurs parents. Peu à peu les rues se font désertes, les 'bruits s'apaisent, les boutiques referment leurs volets. A peine quelques cris de marchands retentissent-ils encore par les rues. À neuf heurs, l'Angélus sonne, bientôt suivi des tintements du couvre-feu. Alors les quelques fenêtres qui luisent encore dans l'ombre s'éteignent une à une, le guet passe et fixe à leurs anneaux les grosses chaînes qui doivent fermer les rues. Et la ville s'endort. » K, ROSIÈRES (La- Société française au Moyen-Age).
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