Découverte de l'Amérique par les portugais
LES PORTUGAIS ONT-ILS DÉCOUVERT L'AMÉRIQUE AVANT COLOMB ?
Qui donc a le premier atteint "l'Amérique" ?
PAR RÉMY
Article tiré de Historama N°291 & 292, février et mars 1976
A demi-désemparé par les tempêtes qui ne l'avaient pas lâché depuis les Acores, un vaisseau de haut bord battant piteusement pavillon du royaume de Castille se présenta le lundi 4 mars de l'an du Seigneur 1493 à l'embouchure du Tage, demandant à y trouver refuge. Autorisé à jeter l'ancre en aval du port de Lisbonne devant la plage de Restelo, il se plaça ainsi sous la protection de Notre Dame de Bethléem à qui l'infant Henri de Portugal avait naguère dédié en ce lieu un ermitage (1).
Appelé la Niña (2), ce vaisseau revenait d'une expédition qui allait changer la face de l'univers chrétien. L'homme auquel l'Espagne devait de l'avoir entreprise, et qui se prévalait du titre de "Grand Amiral de la mer Océane" , était connu à Lisbonne sous le nom de Cristoforo Colombo. Il fit aussitôt demander audience au roi Jean II.
Rémy nous raconte sa prodigieuse aventure qui est toujours d'actualité.
Petit-neveu du "Navigateur" , le roi de Portugal avait dès l'adolescence mis ses pas dans ceux de son grand-oncle, poursuivant avec opiniâtreté le long de la côte occidentale d'Afrique, la recherche du grand passage du sud-est qui permettrait à ses navires d'atteindre les rivages de l'Inde.
Pendant ce temps Barthélemy Diaz, capitaine de Jean II de Portugal, longeait la côte africaine et parvenait en 1488 à doubler le dernier cap qu'il appela " des Tempêtes ". Le roi préféra lui donner le nom de "Bonne-Espérance ". La route des Indes était ouverte. Vasco de Gama allait s'y engouffrer. (Larousse)
Il s'agissait d'une formidable ambition dont l'enjeu était double: en même temps qu'elle donnerait accès aux fabuleuses richesses de l'Orient et de l'Extrême-Orient, elle porterait un coup fatal aux Maures qui en détenaient le monopole dans leur commerce avec l'Europe et permettrait par voie de conséquence la libération des Lieux Saints. L'an 1488, septième année du règne de Jean II, son capitaine Barthélemy Dias doublerait à la pointe extrême du continent africain un cap, que son ressentiment contre la fureur des vagues qui l'empêcherait d'aller plus avant par suite du début de mutinerie qui se manifestait dans son équipage l'incitait à qualifier "des Tempêtes" ; plus clairvoyant, le Roi changerait ce nom en celui de "Cap de Bonne Espérance" , voyant enfin poindre le résultat de quelque cinquante années d'efforts depuis que Gil Eanes, capitaine de l'infant Henri, avait rapporté à son maître des plants de fleurs qui croissaient dans la Guinée, ou "Terre des Nègres" , de l'autre côté du très redouté cap Bojador au-delà duquel la légende voulait que s'étendît la "Mer Ténébreuse" , peuplée d'effrayants monstres marins.
Depuis ce pas décisif, l'installation sur la côte de la Mina (3) d'un centre de transit très actif d'or et d'ivoire avait fait de Lisbonne une des plus importantes places de commerce de tout le monde occidental, lui assurant une prospérité et un éclat qui, outre les espions des diverses puissances jalouses de sa prospérité, attiraient de partout, tels des papillons autour d'une lampe, des besogneux avides de s'enrichir. Couramment dénommé "l'aventurier génois" dans les rues de la capitale, Christophe Colomb était de ceux-là.
"Une terre à l'ouest"
On a présenté sous des couleurs romanesques l'arrivée de Colomb au Portugal en 1476, sous le règne d'Alphonse V : parti de Gênes à destination de l'Angleterre et des Flandres, le vaisseau à bord duquel il avait embarqué aurait été coulé par la flotte française après avoir franchi le détroit de Gibraltar, et c'est tout sanglant, agrippé à une épave, que son passager aurait pris pied sur la côte lusitanienne, dans les parages du cap Saint-Vincent. Il semble bien que la réalité se soit montrée plus prosaïque et que ce vaisseau ait tout bonnement jeté l'ancre dans le port de Lisbonne après avoir échappé à ses poursuivants.
Christophe Colomb, fils d'un drapier génois, mit de longues années à réaliser son rêve : traverser la mer Océane. Dès 1480, il présente au roi Jean II de Portugal son premier projet d'expédition. (Bibl. Nat.).
Après une courte absence - employée selon lui à visiter le nord de l'Europe - le Génois, qui s'était présenté comme fils d'un drapier issu de souche noble (un drapier qui n'était que cardeur, disaient les mauvaises langues), fit en 1477 sa réapparition dans la capitale portugaise et, à l'étonnement de tous, épousa l'année d'après la fille du capitaine donataire de l'île de Porto Santo, voisine de l'île de Madère : authentique gentilhomme pour sa part, Barthélemy Perestrelo avait servi sous les ordres de Tristan Vaz Teixeira, l'un des capitaines de l'infant Henri.
Si l'on en croit l'Espagnol Bartolomeo de Las Casas (4), Colomb aurait reçu des mains de la mère de sa femme les cartes et notes de son défunt beau-père, et l'étude de ces papiers l'aurait convaincu qu'un navire mettant cap à l'ouest au départ de Lisbonne toucherait l'île de Cipangu, de l'autre côté de la mer Océane (5), mais on raconte dans ma Bretagne natale qu'il aurait retiré cette conviction des confidences auxquelles se laissa aller devant lui, lors d'un séjour à Lisbonne en l'année 1480, le corsaire bréhatin Coatanlen qui lui parla de "terres à l'ouest".
Ce qui reste certain c'est que Colomb établit durant cette période un plan d'expédition vers ces terres inconnues et qu'il parvint à le faire mettre sous les yeux du roi Jean II. Celui-ci éprouva la curiosité de s'entretenir avec le Génois, mû sans doute par le désir de savoir par quel moyen cet étranger avait eu vent d'une découverte que sa Junta (6) s'appliquait à tenir entourée du plus profond secret, cependant que les capitaines portugais et leurs équipages étaient astreints à ne rien révéler de ce qu'ils avaient pu voir au cours de leurs voyages, sous peine de s'exposer aux sanctions les plus sévères.
Les Cortès d'Evora
Réunies à Evora trois ans plus tôt, les Cortès (7) qui venaient de proclamer roi Jean II l'avaient aussitôt adjuré par la voix des représentants du Tiers-Etat de faire preuve à l'égard des étrangers qui pullulaient à Lisbonne de moins de longanimité que son défunt père Alphonse V :
"Seigneur, lui avait-il été dit, les Florentins et les Génois n'ont jamais fait rien d'autre ici que voler la monnaie d'or et d'argent de ce royaume, en dévoilant vos secrets de la Mina et des Iles (... ). S'ils restent encore dans le pays, ils deviendront un fléau vivant qui détruira notre terre."
L'avertissement formulé d'aussi solennelle manière ne pouvait manquer d'être présent à l'esprit de Jean II, qui emporta de son entretien avec le Génois l'impression d'avoir eu affaire à un mythomane aussi prolixe que vaniteux, dénué de tout esprit scientifique. Mieux que quiconque, le roi de Portugal était exactement informé des possibilités qui s'offraient à l'ouest, et il n'aurait tenu qu'à lui qu'elles fussent exploitées sans délai, en fonction de calculs assez précis pour qu'il ne pût ignorer que la distance séparant Lisbonne de "Cipangu" était d'au moins cinq fois supérieure aux calculs sur lesquels Colomb fondait son expédition.
Un navigateur portugais, vu par un artiste noir du Bénin. Plaque de bronze conservée au Musée de l'Homme à Paris. (St-Clair).
Toutefois, pour en avoir le coeur net, il fit examiner par sa Junta le mirifique projet qui lui était soumis. La réponse unanime fut qu'il ne s'agissait que d'un fatras sans valeur, dénué de tout fondement sérieux et entremêlé des rumeurs qui foisonnaient aux alentours de la Casa da Mina (8) comme de réminiscences du récit que fit Marco Polo au compagnon de captivité qui lui servit de secrétaire pendant sa détention à Gênes, après la bataille navale de Curzola qu'avait perdue Venise (9).
Un explorateur cupide
Les thuriféraires de Colomb - qui sont légion - avancent que le Génois comptait employer au financement d'une nouvelle croisade destiné à délivrer le Saint Sépulcre les richesses qu'il s'attendait à rapporter par brassées des "Indes" : on ne doit voir dans cette assertion qu'un démarquage des intentions réelles de l'infant Henri. Au vrai, les prétentions qu'exprima le Génois devant le roi Jean II quand il lui exposa son plan étaient plus terre à terre et ne manquaient pas d'ambition : outre trois navires dûment armés et gonflés de vivres avec une pacotille propre à inciter les gens de "Cipangu" à livrer leur or en échange, Colomb demandait à être fait chevalier, puis amiral, et enfin vice-roi des contrées qu'il lui adviendrait de découvrir, en se réservant le dixième des bénéfices que la Couronne retirerait de leur future exploitation.
Le roi Jean II du Portugal
Je suis tenté de croire que "l'aventurier génois" s'était employé à faire miroiter aux yeux de ses nombreux créanciers, qui le harcelaient, l'appât du profit qu'il attendait de l'audience royale : quand le refus de la Junta de prendre son offre en considération lui fut signifié, il n'eut rien de plus pressé que de mettre la clef sous la porte et de prendre la poudre d'escampette jusqu'en Andalousie pour se mettre à l'abri des officiers de justice portugais. Aux tout premiers jours de l'année 1485, on sut à Lisbonne qu'il avait trouvé un miséricordieux accueil au monastère franciscain de Santa Maria de la Rabida, proche du port de Palos et peu éloigné de la frontière portugaise de l'Algarve. Sa bonne étoile l'y mit en présence du Père Juan Perez de la Marchena, ami du Père Fernando de Talavera qui lui avait succédé dans les saintes fonctions de confesseur de la reine Isabelle de Castille.
"L'Île des Sept Villes"
Le 28 janvier 1474, le roi Alphonse V avait concédé à Ferdinand Teles de Meneses, haut dignitaire de la cour et son conseiller privé, "les îles non peuplées qu'il découvrirait par lui-même ou qu'il ferait découvrir par ses navires dans l'océan Atlantique, à condition qu'elles fussent écartées de la côte de Guinée". Dans le même temps, ce gentilhomme recevait de son roi la permission de faire l'acquisition des îles Floreiras (devenues sur nos cartes les îles Flores et Corvo) situées très à l'ouest du groupe principal des Açores et que Diego de Teive, écuyer de l'infant Henri, avait signalées à l'attention de son maître dès l'année 1452. L'acte de concession consenti par le Roi précisait que celui-ci renonçait expressément à tous ses droits sur les Floreiras.
Par un nouvel acte daté de Zamora le 10 novembre 1475, le roi Alphonse - alors en guerre avec "les Rois Catholiques" (10) - octroyait à Meneses l'île de Sete Cidades (ou des "Sept Villes" ) que l'astronome florentin Paolo del Pozzo Toscanelli situait sur la carte près de la côte orientale de l'Asie sous le nom d'Antilia. Tout imprégné des hypothèses formulées par Marco Polo, Toscanelli exagérait de beaucoup le prolongement de l'Asie vers l'est : Colomb, qui fondait en partie ses plans sur les calculs erronés du Florentin, ne soupçonnerait en aucune manière, lors de ses quatre expéditions pourtant échelonnées sur dix années, l'existence d'un continent intermédiaire, cependant qu'il est à noter que la concession délivrée par Alphonse V en 1474 ne s'appliquait qu'à des îles "non peuplées" , tandis que celle dont bénéficierait Meneses un an plus tard stipulait qu'elle était valable pour des îles "peuplées". Pourquoi cette différence, sinon parce qu'une découverte avait été effectuée dans l'intervalle ?
"Terra firme por costa"
Le 3 mars 1486, deux ans après que sa Junta eut rejeté la proposition formulée par Christophe Colomb, le roi Jean II délivrait à Ferdinand d'Ulmo, capitaine de l'île Terceira des Açores une concession portant également sur l'île de Sete Cidades, d'où il faut déduire que Meneses avait été écarté, à moins qu'il ne se fût retiré de lui-même après avoir servi de prête-nom. Aux termes de l'acte royal, Ulmo s'engageait à monter l'expédition par ses propres moyens, étant cependant précisé qu'au cas où la conquête de l'île viendrait à excéder ses possibilités, le Roi détacherait sous son commandement quelques-uns de ses vaisseaux avec des hommes de guerre, Ulmo étant gratifié en cas de succès d'honneurs et de titres déterminés par son souverain : nous voici loin des exigences formulées par Colomb, dans lequel certains s'obstinent encore aujourd'hui à voir un parangon de désintéressement.
Le couvent de la Rabida n'était pas si éloigné de Lisbonne que le Génois - à l'oreille toujours tendue - n'ait pu entendre parler du contrat, et la preuve en fut donnée dès le mois de mai qui suivit, quand dom Pedro Gonzalez de Mendoza, grand chancelier de Castille, le présenta aux "Rois Catholiques" qui tenaient alors leur cour à Cordoue. Renouvelant devant Isabelle et Ferdinand l'offre vainement formulée au roi de Portugal, Colomb fit allusion pour étayer sa thèse à la mission que Jean II venait de confier à "Femaldomos" , façon qu'il avait de prononcer le nom de Fernao d'Ulmo.
Le monastère franciscain de Santa Maria de la Rabida en Andalousie, où Colomb se réfugia, fuyant les officiers de justice portugais. C'est là que, par chance, Colomb rencontrera le propre confesseur de la reine Isabelle la Catholique. (Roger-Viollet).
Priés d'examiner son projet, les théologiens de Salamanque se montrèrent tout aussi réticents que les savants de la Junta de Lisbonne, mais pour des raisons qui n'étaient pas d'ordre mathématique, opposant au Génois l'autorité de saint Augustin, lequel avait une fois pour toutes déclaré qu'il était absurde qu'on pût croire à l'existence des antipodes, d'où il aurait résulté que des hommes se trouveraient réciproquement réduits à marcher la tête en bas. Ayant entendu Colomb, ces théologiens ne se firent pas faute de lui marquer leur extrême méfiance et l'aspirant au titre d'amiral de la mer Océane s'en retourna à la Rabida Gros-Jean comme devant, sans savoir que dans l'acte concédé à Ferdinand d'Ulmo l'île "des Sept Villes" était définie : Terra firme por costa (11), ce qui indiquait que Jean II n'ignorait pas qu'il s'agissait d'un continent. Mais par qui Colomb aurait-il pu l'apprendre sinon par Ulmo lui-même ?
Un contrat trompe-l'oeil
Le roi Jean II se doutait bien que, tôt ou tard, Colomb serait entendu par ses rivaux directs Isabelle et Ferdinand, qui accueillaient à bras ouverts tous les marins en provenance du Portugal, et j'incline à penser que sa subtile diplomatie fit en sorte que le Génois fût informé du contrat passé avec Ulmo, au moins dans sa version abrégée : la clause accordant au concessionnaire l'appoint éventuel de vaisseaux et d'hommes de guerre était bien faite pour décourager les "Rois Catholiques" , auxquels de récentes tentatives sur la côte de la Mina qui s'étaient terminées de façon cuisante ne pouvaient qu'inspirer une amère prudence. Dans le même temps où il apposait sa signature sur un contrat qui, à mon avis, n'était que pro forma, Jean II apportait tous ses soins à la préparation de l'expédition qui, sous la conduite de Barthélemy Dias, aboutirait à la conquête du passage du sud-est menant droit aux Indes - les vraies ! - et avait besoin d'un répit pour utiliser les renseignements qu'il possédait sur des terres situées "à l'ouest".
Ferdinand, roi d'Aragon
Ces terres n'étaient pour lui d'aucun intérêt immédiat et leur recherche aurait englouti une bonne part des ressources de la Casa da Mina, qu'il entendait consacrer entièrement à la découverte de la voie maritime vers l'Orient et l'Extrême-Orient. L'itinéraire prévu par l'infant Henri le long de la côte occidentale d'Afrique présentait deux avantages sur la route incertaine de l'ouest : elle était "payante" , comme on dit de nos jours (les bénéfices que le Trésor royal tirait de la Casa da Mina couvrant les dépenses toujours accrues de chaque nouvelle étape vers le sud) et offrait d'autre part aux navires des possibilités de ravitaillement, au moins en eau fraîche, plus la protection de points d'appui échelonnés lors des expéditions antérieures.
La reine Isabelle de Castille
A mon avis, la concession octroyée à Ferdinand d'Ulmo n'était rien de mieux qu'un stratagème imaginé par Jean II pour intimider ses rivaux espagnols. Quand il apprit que les théologiens de Salamanque avaient éconduit Colomb, il se désintéressa de cette affaire et ne marqua nulle émotion en apprenant qu'une association prévue entre Ulmo et Jean de Estreito, riche négociant de l'île Madère, était demeurée sans suite.
Volte et virevolte
Tout s'effondrait sous les pas du malheureux Colomb qui, faisant flèche de tout bois, envoya en Angleterre son frère Bartolomeo pour tenter de rallier le roi Henri VII tout en sollicitant du bon plaisir de Jean II la permission de revenir au Portugal. Sa lettre a disparu, mais la réponse royale, datée du 20 mars 1488, laisse supposer qu'il exprimait des appréhensions sur l'accueil que lui réserverait ses créanciers :
"Eu égard à ce que vous nous exposez et pour d'autres raisons, à propos des quelles votre habileté et votre talent nous seront utiles, nous désirons vivement que vous veniez ici, où tout sera fait pour que vous soyez content de tout ce qui se rapporte à la défense de vos intérêts."
Barcha employée par les explorateurs portugais
On ne pouvait se montrer plus bienveillant ni plus empressé : Jean II poussa l'amabilité jusqu'à presser le Génois de hâter son retour à Lisbonne. Les irréductibles partisans de Colomb ne manquent pas de tirer parti de cette lettre pour y voir un témoignage non équivoque de la considération que le roi de Portugal témoignait à leur héros, comme du regret qu'il ressentait de n'avoir pas accueilli son offre trois ans plus tôt. Mais aucun d'eux n'a jamais pu définir l'évènement qui, étant survenu entre les années 1485 et 1488, aurait pu modifier le sévère jugement formulé contre le Génois par la Junta du Roi. Ne peut-on supposer que ce "pour d'autres raisons" que mentionne la lettre de Jean II ne signifie pas autre chose que la volonté de tenir à sa merci un personnage dans lequel le roi continuait de n'avoir aucune confiance mais dont il redoutait que les menées - dont il ne pouvait manquer d'être informé - ne finissent pas inciter les "Rois Catholiques" à entreprendre une action que lui, Jean II, entendait se réserver pour le jour qu'il choisirait, sachant exactement à quoi elle le conduirait ? Du reste, au cours de sa troisième expédition - entreprise trois ans après la mort de Jean II - Colomb a reconnu que celui-ci connaissait l'existence de "terres à l'ouest". Parlant de lui-même, il écrit dans son Journal: "L'Amiral déclare de nouveau qu'il navigue vers le sud, parce qu'il espère y rencontrer des terres et des îles (... ). Il désire vérifier l'intention (12) du roi dom Jao de Portugal déclarant qu'au sud il y a un continent."
La prophétie de Jean Ier
Le Génois a affirmé qu'il avait assisté au retour à Lisbonne de Barthélemy Dias après sa découverte du Cap de Bonne Espérance, ce qui indiquerait qu'il avait mis à profit la permission qui lui était donnée de revenir au Portugal. Mais on n'y trouve nulle allusion à sa présence depuis son départ précipité datant de la fin de l'année 1484, alors que le retour de Dias se fit au mois de décembre 1488. On aurait peine à croire que si le Génois était rentré dans son royaume, le roi Jean II n'aurait pas ordonné les mesures qu'il fallait pour l'empêcher de retourner en Espagne : sa lettre à Colomb comportait le risque que son destinataire l'utiliserait pour asseoir son crédit auprès des "Rois Catholiques" , et je suppose qu'elle eut ce résultat.
La Tour de Belém (contraction portugaise de Bethléem) près de Lisbonne. Situé au bord du Tage, c'était le palais des rois du Portugal. (Rapho)
Les années, qui suivirent furent marquées par le mariage de l'infant Alphonse, fils de Jean II, avec la jeune infante Isabelle, fille d'Isabelle et de Ferdinand, union dont on pouvait espérer qu'elle mettrait fin à une rivalité séculaire entre le Portugal et l'Espagne, mais qui fut tôt rompue par la mort tragique de l'infant. En ramenant la jeune princesse vers la frontière d'Espagne, Jean II ne pouvait douter que la lutte avec la couronne de Castille et d'Aragon, un instant assoupie, ne tarderait pas à reprendre avec âpreté. Quand il apprit que, le 2 janvier 1492, ses rivaux avaient fini par s'emparer de Grenade, l'avertissement donné à ses fils par son aïeul Jean Ier dut retentir dans sa mémoire : "Les Castillans nous haïssent, j'en suis sûr, et plus encore après les défaites que nous leur avons infligées. S'ils venaient à prendre Grenade, je ne saurais m'en réjouir car l'agrandissement de leurs domaines nous rendra plus faibles pour la défense de nos terres, et les rendra plus forts pour la vengeance de leurs défaites passées."
Le nom de Christophe Colomb entre dans l'Histoire
Le vendredi 3 août de la même année, peu avant le lever du soleil et huit mois presque jour pour jour après la prise de Grenade, trois petits vaisseaux mettaient à la voile dans le port andalou de Palos pour un voyage qui resterait immortel. Un trait suffit pour mesurer le crédit dont jouissait Colomb auprès de marins qui le connaissaient bien pour avoir pratiqué son voisinage durant près de huit ans : dans la nuit du 24 mai qui faisait suite à la lecture publique par le notaire royal d'une lettre d'Isabelle et de Ferdinand qui enjoignait à la ville de Palos, sous peine d'une astreinte de 10. 000 maravédis, de mettre à la disposition du Génois deux navires dont les équipages recevraient quatre mois de solde avant l'appareillage, tous les bâtiments qui se trouvaient au port prirent immédiatement le large, et il fallut avoir par la suite recours à la force pour se saisir de la Pinta (13); ce n'est que sur les pressantes instances des religieux de la Rabida que les frères Pinzon, armateurs, acceptèrent d'engager dans l'aventure leur vieille Gallega (14), rebaptisée pour la circonstance Santa Maria, et la Niña, simple barcha non pontée.
Du haut de la tour de Belém, Emmanuel Ier voyait pénétrer dans les eaux du Tage les vaisseaux qui revenaient des Indes orientales. (Rapho)
Après avoir longtemps rechigné, les "Rois Catholiques" avaient fini par accepter, le 14 avril, cette traite exorbitant sur l'avenir que Jean II avait repoussée et dont Colomb entendait qu'elle s'étendrait à sa descendance : gouverneur et vice-roi des terres qu'il découvrirait, il recevrait un dixième du produit de leur exploitation, étant fait sans délai "Grand Amiral de la mer Océane". Ses créanciers portugais eussent été tout ébaubis d'apprendre qu'il s'engageait de son côté à payer de son escarcelle un huitième des frais de l'expédition.
Soucieux de mettre toutes les chances de son côté, le Génois n'avait pas manqué de se pourvoir d'un interprète arabe pour prendre langue avec les Maures qu'il s'attendait à rencontrer aux confins de cette Asie vers laquelle il allait mettre le cap plein ouest. Ce simple détail qui confirme que Colomb avait entendu faire allusion à Lisbonne au grand dessein de l'infant Henri, consistant à priver les Maures de la source de leur fortune en les éliminant de la côte occidentale de l'inde où ils avaient leurs comptoirs - donne la juste mesure des supputations géographiques du "Grand Amiral de la mer Océane".
La demande d'audience formulée par Colomb à bord de la Niña au moment où elle jetait l'ancre fut transmise au roi Jean II qui, en ce début du mois de mars 1493, se trouvait en son castel du Val do Paraiso (15), non loin de la ville de Santarém. Elle reçut l'agrément du monarque et le chroniqueur Garcia de Resende nous a laissé une vivante description de la scène dont il fut témoin. Rémy l'évoque ici avec le talent qu'on lui connaît.
N'ayant rien perdu de sa faconde, le Génois décrivit en termes exaltés l'île baptisée par lui "San Salvador" (16) qu'il avait découverte au bout de soixante-neuf jours de navigation, puis les deux autres, beaucoup plus grandes, auxquelles il avait ensuite abordé, et qui nous sont aujourd'hui connues sous les noms de Cuba et d'Haïti. A l'entendre, l'or y était si abondant que ce métal jugé précieux en Europe était employé par les "sauvages" aux usages les plus vulgaires cependant que s'offraient de toutes parts parfums et pierres précieuses. Quant aux esclaves en puissance, ils s'y trouvaient en un nombre infini : la Niña en ramenait quelques échantillons. Ah! que le roi de Portugal ne l'avait écouté alors qu'il se voyait offrir par "le Grand Amiral" le bénéfice de toutes ces richesses !
Christophe Colomb, ayant réussi à se faire présenter aux Rois catholiques, leur fait part de l'offre vainement formulée à leur ennemi portugais. Il pense que la rivalité séculaire qui oppose ces rois voisins incitera les souverains espagnols à lui accorder quelque crédit. Malheureusement les théologiens de Salamanque opposeront le même refus que la Junta du Portugal.
A son retour du Nouveau monde, les Rois catholiques accueillent avec faste le génial aventurier qui se proclamait lui-même "Grand Amiral de la mer Océane". (Bibl. Nat.)
Disons, pour n'être pas trop sévère, que Colomb se laissait emporter par son imagination : à Cuba comme à Haïti, il avait en vain recherché les villes imaginées par Marco Polo, ne découvrant en fait de maisons aux murs d'ivoire ou d'albâtre et aux toits recouverts de tuiles d'or que de misérables huttes où vivaient des êtres presque nus. Grisé par les fables qu'il débitait le "Grand Amiral" en vint à critiquer la Junta du roi et le souverain lui-même, poussant si loin son acide jactance qu'un des gentilshommes qui se tenaient près de Jean II lui demanda à voix basse la permission de provoquer l'impudent Génois, imité par les courtisans qui, exaspérés, portaient déjà une main frémissante à la garde de leurs épées. D'un geste, le Roi leur imposa de conserver leur calme.
- Si je comprends bien, dit-il quand Colomb en eut fini, ces îles ne sont pas très éloignées des Açores ? Le Grand Amiral peut-il nous assurer qu'elles ne se trouvent pas dans les eaux portugaises ? Nous nous proposons de nous en assurer sur l'heure par l'envoi sur place d'une escadre qui sera commandée par dom Francisco d'Almeida, en qui nous avons pleine confiance.
Sur l'ordre du monarque, Colomb fut reconduit à son bord avec les égards dus au rang dont il se prévalait, gratifié d'un présent et de vêtements destinés à recouvrir la nudité des "sauvages" qu'il disait avoir ramenés pour les présenter aux "Rois Catholiques". Dès le début du mois d'avril, le Roi dépêcha auprès d'Isabelle et de Ferdinand son écuyer Rui de Sande avec mission de les prier de faire défense à leurs sujets de pratiquer la pêche au sud du cap Bojador avant qu'un agrément fût intervenu sur le tracé d'une ligne de démarcation que la découverte réalisée par leur Amiral imposait et dont il lui semblait qu'elle devait aller d'est en ouest selon la latitude des Canaries, toute la zone sud revenant au Portugal.
Colomb n'était pas le premier
On savait déjà depuis un bon nombre d'années que Norvégiens et Islandais, après avoir exploré au Xe siècle le Groenland et poussé jusqu'au Labrador, avaient atteint la côte orientale de ce que nous dénommons "Amérique du Nord" , en lui donnant le nom de Vinland. Mais voici que, tout récemment, les savants ethnologues de la Société épigraphique nous ont appris que des inscriptions en langue "ogam" , découvertes sur des roches du Vermont et du New-Hampshire dans la "Nouvelle-Angleterre" , prouveraient que des peuplades celtes y auraient vécu plus d'un demi avant l'ère chrétienne. Cette langue "ogam" était parlée par plusieurs peuplades celtes d'origine indo-européenne dont il faut croire qu'elles auraient, à cette époque reculée, atteint par des moyens inconnus les rivages dont Colomb ne soupçonna pas l'existence. Combien de temps les manuels de notre XXe siècle finissant continueront-ils d'apprendre aux écoliers que le mérite d'avoir révélé à l'Europe l'existence à l'ouest d'un nouveau continent revient à Colomb ? Si l'on entend par là que le Génois fut le premier à rendre publique cette découverte, le fait n'est pas contestable, mais il en va tout autrement si l'on prétend lui en attribuer l'honneur.
Dans son ouvrage publié en 1571 à Venise sous le titre: La Historia della Vita et dei Fatti di Cristoforo Colombo, son fils cadet Fernando indique que le futur "Grand Amiral" alors qu'il était hébergé au couvent de Santa Maria de la Rabida, avait reçu d'un "natif de Palos" , le "pilote Pietro di Velasco" , des informations que ce dernier remonter au temps où il servait sous les ordres de Diogo de Teive, un des capitaines de l'infant Henri de Portugal. Etant parti de l'île Fayal (17)), Diogo de Teive avait poussé au sud-ouest jusqu'à cent cinquante lieues; se laissant guider, au retour, par un vol d'oiseaux, il avait découvert des îles si couvertes de fleurs qu'il les avait appelées Floreiras. Reparti la même année pour un nouveau voyage d'exploration, ce capitaine avait cette fois mis le cap au nord-ouest et atteint une région de l'Occident où, en dépit de vents très forts, la mer demeurait calme. Il en avait conclu qu'une terre était proche et se disposait à la reconnaître quand la menace d'une violente tempête l'avait contraint à faire demi-tour.
Le roi Emmanuel Ier de Portugal et sa femme. Emmanuel Ier succéda à son cousin Jean II en 1495.
Il favorisa de nombreuses expéditions maritimes. Les conquêtes accomplies sous son règne par Vasco de Gama, Cabral et Figueira lui valurent le titre d'Emmanuel le Grand. (Détail du tableau Fons Vitae conservé à l'Hôtel-Dieu de Porto)
Au lendemain de la mort de Colomb, un procès dont la minute est conservée à l'Arquivo de las Indias s'ouvrit à Séville, opposant aux héritiers du "Grand Amiral" , la couronne de Castille et les héritiers de Martin Alonzo Pinzon, ex capitaine de la Pinta, avec pour objet de réviser l'étendue des exorbitantes concessions naguère accordées par les "Rois Catholiques" à leur "Grand Amiral". Les débats se prolongèrent jusqu'en 1564, sur plus de cinquante ans.
Flanqué de ses administrés Alonso Gallego et Fernando Valiente, Alonso Velez, alcade de Palos, vint témoigner qu'il avait bien connu un nommé Pero Vasques de la Frontera, marin portugais retiré à Palos après avoir participé à des voyages de découverte pour le compte de l'infant Henri de Portugal. Les trois hommes déclarèrent que Pero avait fourni à Colomb et à Pinzon maints renseignements sur l'existence de "terres à l'ouest" , les encourageant à tenter l'aventure.
Tout permet de penser que ce "Pero Vasques" - qui avait franchi la frontière hispano-portugaise pour des raisons qui lui étaient personnelles, après avoir servi sous les ordres de Diogo de Teive - ne faisait qu'un avec le "Pietro di Velasco" mentionné par Fernando Colombo qui, à l'instar de son père, avait pour habitude de latiniser le noms propres, qu'il traduisait ensuite en italien. L'expédition de Diogo de Teive vers le nord-ouest remontant à l'année 1452, il serait extrêmement improbable que l'infant Henri ne se soit pas donné la peine de faire vérifier les indications rapportées par son capitaine. Vingt-deux ans plus tard, le futur, Jean II recevait de son père, le roi Alphonse V, la charge de surintendant "des parties de la Guinée" , ayant ainsi accès aux archives de son grand-oncle : on s'étonnerait qu'un prince aussi entreprenant et aussi jaloux des droits de la Couronne ne se fût pas soucié d'en savoir plus long sur cette "région de l'Occident où, en dépit de vents très forts, la mer demeurait calme".
Vasco de Gama fut chargé en 1497 par Emmanuel Ier de se rendre en Inde en franchissant le cap de Bonne-Espérance.
Cette voie maritime avait été découverte dix ans auparavant par Barthélemy Diaz.
De retour au Portugal, un an plus tard, Vasco de Gama fût nommé Amiral des Indes. (Bibl. Nat.)
Enfin, quand le médecin géographe Mestre Joao, compagnon de Pedro Alvares Cabral, écrivit au roi Emmanuel Ier (qui, cinq ans plus tôt, avait succédé à Jean II) pour lui décrire la terre provisoirement appelée Santa Cruz qui tirerait plus tard son nom du bois brazil qu'on y trouvait en abondance (18), il se référa à une carte en possession du pilote Vaz Bisugado, alors au Portugal, disant :
"Votre Majesté pourra voir sur cette carte en quel endroit se trouve cette terre : c'est une carte ancienne, et Votre Majesté y trouvera aussi La Mina." Ayant souligné ces derniers mots, j'emprunterai à M. de La Palice le robuste bon sens qui l'a rendu illustre pour avancer que, s'il est vrai que la terre dénommée par Cabral "Santa-Cruz" figurait sur une carte déjà ancienne, c'est qu'elle était connue des Portugais depuis un certain nombre d'années, ce qui fait que les historiens qui attribuent à Vincente Yanez Pinzon (19) le mérite d'avoir "découvert le Brésil trois mois avant Cabral" ont tort, et je vais le prouver.
La vraie découverte du "Nouveau Monde"
Par une lettre datée du 29 juillet 1501 dont il est probable que ses destinataires en saisirent l'ironie -, le roi Emmanuel avisa Isabelle et Ferdinand de la "découverte" tout récemment effectuée par Cabral, concluant : "Cette terre est très convenable et nécessaire à la navigation de l'Inde, et Notre-Seigneur voulut pour cela qu'elle fût trouvée." Par Inde, le roi de Portugal entendait l'immense sous-continent vers lequel tendait l'effort constamment poursuivi depuis l'infant Henri et qu'avait atteint Vasco de Gama trois ans plus tôt. Ce sous-continent, l'erreur commise par Colomb le ferait longtemps désigner sous le nom d'Indes orientales pour le distinguer des prétendues "occidentales".
L'infant du Portugal Henri le Navigateur financera plusieurs expéditions conduites par Gil Eanes afin d'explorer les côtes africaines.
En 1445, Gil Eanes atteindra le cap Vert et rapportera à son maître des plants de fleurs de Guinée. (Giraudon).
Cabral allait aux Indes les vraies -; mais en dirigeant ses vaisseaux vers l'ouest pour suivre les instructions très précises qu'il avait reçues de Vasco de Gama, utilisant ainsi les vents dominants qui le pousseraient plus rapidement vers le Cap de Bonne-Espérance qu'en longeant la côte africaine à partir du Cap Vert. Si l'on admet avec le chroniqueur Joao de Barros, que ses pilotes ignoraient l'existence du "Brésil" dans lequel ils crurent voir "une grande île située à une distance de 450 lieues à l'ouest de la Guiné et à 10 degrés de hauteur vers le pôle antarctique" (20) on ne peut douter que les parages avaient été reconnus en 1498 par un homme remarquable - tout à la fois géographe, navigateur, historien et guerrier qui s'appelait Duarte Pacheco Pereira. Dans son Esmeraldo situ orbis, il a raconté le voyage qu'il accomplit cette année-là sur l'ordre d'Emmanuel, et qui fut entouré du plus grand secret : "De l'autre côté de la mer Océane, à l'occident, a-t-il écrit, est une terre où le degré du soleil est égal à celui que connaissent les nègres de la Guiné, bien que vivent là des gens dont le brun de la peau est assez clair pour qu'ils semblent être blancs."
Tout porte à croire que l'expédition ordonnée par le roi Emmanuel avait pour but de vérifier une découverte qui se situerait entre l'année 1482, date de l'établissement par Diogo d'Azambuja du Castelo S. Jorge sur la côte de La Mina, et l'année 1498, date du départ de Duarte Pacheco Pereira "além a grandeza do mar Oceano" (21); cette découverte étant déjà connue du roi Jean II, car les discussions qui allaient aboutir au traité de Tordesillas supposent nécessairement qu'il avait été informé de l'existence, au moins pour son hémisphère sud, du continent qui serait un jour dé nommé "Amérique" (22), et cela dès que Colomb entreprît son aventureux voyage à destination de "Cipangu". J'entends d'ici les partisans du Génois m'opposer : "Pourquoi, dans ce cas, le Portugal se serait-il tu ?" La suite des événements leur répondra.
Le pape commet un faux
Quand Rui de Sande arriva à Barcelone, où les "Rois Catholiques" tenaient alors leur cour, il constata que le Portugal avait été battu de justesse dans son action diplomatique. Déjà Jean II s'était vu remettre par un émissaire espagnol l'avis officiel qu'une île, "et même un continent" , avaient été découverts par leur "Grand Amiral" "du côté des Indes". La démarche de son écuyer fut pourtant suivie d'un résultat concret : Isabelle et Ferdinand se hâtèrent d'envoyer à leur rival portugais un nouvel ambassadeur pour le prier de vouloir bien surseoir au départ de l'escadre commandée par dom Francisco d'Almeida jusqu'à l'aboutissement des négociations qu'ils lui proposaient d'ouvrir. Jean II déféra à cette demande, qui servait ses desseins, et choisit soigneusement ses délégués, qu'il endoctrina de très précise manière.
Le Pape Alexandre VI n'avait rien à refuser au roi d'Espagne Ferdinand, principal artisan de son élection au pontificat suprême.
Dès le retour de Colomb, les "Rois Catholiques" avaient secrètement fait demander au pape Alexandre VI l'octroi d'une bulle qui leur garantirait la possession des terres découvertes par le Génois. Rodrigo Lançol y Borgia n'avait rien à refuser au roi Ferdinand, principal artisan de son élection au pontificat suprême, et auquel il devait en sus les évêchés concédés en Aragon à ses fils César et Juan, plus le duché de Gandie attribué à ce dernier. Dès le mois d'avril 1493, il décréta que toutes les terres et îles découvertes ou à découvrir à l'ouest, "en direction des Indes" , revenaient aux Rois Catholiques ; toutefois craignant que Jean IL ne prît ombrage d'un si grand empressement, il eut soin de postdater cette bulle du 3 mai, spécifiant d'autre part que ces dispositions ne pouvaient s'appliquer qu'à des terres qui n'appartiendraient pas déjà à un prince chrétien : il ne s'agissait là que d'une pure clause de style, destinée à camoufler l'essentiel.
… et ne craint pas d'en commettre un autre
Telle qu'elle était, cette réserve ne faisait pas l'affaire d'Isabelle et de Ferdinand, lesquels se souvenaient du traité conclu à Alcaçovas le 4 septembre1479, l'année même où Isabelle avait été reconnue reine de Castille et Ferdinand roi d'Aragon, pour mettre fin à une guerre avec le Portugal qui n'avait abouti à aucun résultat décisif : s'appuyant sur ce traité, Jean II enjoint à ses capitaines allant le long de la côte de Guiné de livrer bataille à tout vaisseau en provenance d'Espagne (ou d'ailleurs) et de jeter par-dessus bord, sans faire de prisonniers, ceux de leurs adversaires qui n'auraient pas été tués dans le combat. Incontestablement réputé "prince chrétien" , le roi du Portugal n'allait pas manquer d'interdire aux vaisseaux espagnols la route du sud.
Sur les instances des "Rois Catholiques" , Alexandre VI annula la première bulle et en établit une seconde qui accordait à l'Espagne les terres et continents découverts ou à découvrir non seulement à l'ouest, mais aussi au sud, tant dans "la direction des Indes" que vers toute autre région encore inconnue, située à l'extérieur d'une ligne de démarcation verticale (et non horizontale comme le voulait le roi de Portugal), allant du nord au sud passerait à cent lieues à l'ouest des Açores et des îles du Cap Vert. Mise au point en juin, la nouvelle bulle fut antidatée du 4 mai de l'an de grâce 1493. Pleinement rassurés, Isabelle et Ferdinand s'empressèrent d'en faire connaître les dispositions aux représentants que Jean II leur avait envoyés pour répondre à leur offre de "négociations" , déclarant se soumettre en ce qui les concernait à la volonté d'un Souverain Pontife dont la vérité oblige à dire qu'il faisait en occurrence figure de complice, et même de faussaire.
Un pape vraiment complaisant
S'en tenant aux ordres de leur roi, les Portugais persistèrent à exiger que la ligne de démarcation fût établie d'est en ouest, selon la latitude des Canaries. Le refus auquel ils se heurtèrent fut d'autant plus net qu'un des leurs commit l'imprudence de laisser entendre qu'il existait de riches terres à l'ouest, confidence qui ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd : par une lettre adressée le 5 septembre 1493 à leur "Grand Amiral" , les "Rois Catholiques" y firent allusion, écrivant :
"D'aucuns assurent que ce qui se trouve au milieu, depuis la pointe que les Portugais nomment "de Bonne Espérance" jusqu'à la ligne que vous dites se trouver dans la bulle du Pape, est peut-être des îles et même de la terre ferme." Dans la même lettre, les souverains pressaient Colomb d'activer l'appareillage de sa deuxième expédition.
Le château-fort de Tomar, berceau de l'Ordre du Christ, un des plus anciens Ordres de chevalerie fondé au XIVe siècle par le roi Denis de Portugal. L'Ordre du Christ avait été constitué pour lutter contre les Musulmans qui menaçaient la Chrétienté. (Rager-Viollet)
Une nouvelle démarche de leur part auprès d'Alexandre VI aboutit à une bullé datée du 26 septembre, par laquelle le pape précisait que pour être valable à ses yeux, la possession des terres découvertes devait être effective. Sans que le Portugal fût nommé, cette stipulation annulait en fait toutes les garanties précédemment données par Rome à la Cour de Lisbonne et ouvrait à l'Espagne la route des Indes par le passage du sud-est qu'avait découvert Barthélemy Dias. Jean II ne disposait plus que d'un seul moyen pour protéger le résultat des efforts entrepris par son pays depuis trois quarts de siècle, et ce moyen était la guerre. Avant de recourir à cette extrémité, il fit parvenir au pape une énergique protestation : que faisait Rome des solennelles assurances données par elle au Portugal, ainsi que de la juridiction spirituelle conférée par le pape Calixte III à l'ordre du Christ (23) sur tous les territoires reconnus ou à reconnaître "jusqu'aux indes" par les navigateurs portugais, au-delà du cap Nao (24) ? Jean II laissait clairement entendre que si ces assurances étaient reniées, il aurait recours aux armes pour les faire respecter.
Le traité de Tordesillas
L'âpreté des "Rois Catholiques" fléchit devant la fermeté de leur rival portugais, auquel ils proposèrent d'avoir recours à un compromis qui, après de longues et laborieuses discussions, aboutît le 7 juin 1494 au traité dit "de Tordesillas" , petite ville d'Espagne située dans la province de Valladolid, au bord du fleuve Douro qui se jette dans l'Atlantique à Porto Ainsi que le souhaitaient Isabelle et Ferdinand, la ligne de démarcation séparant les zones d'influence des deux royaumes dans la "mer Océane" était tracée verticalement, mais à 370 lieues à l'ouest des îles du Cap Vert et non à 100, comme ils l'avaient fait dire à Alexandre VI. L'acharnement des Portugais avait arraché ce décalage dont ils étaient seuls à connaître l'importance exacte.
De toute évidence, ces deux cent soixante-dix lieues marines préservaient dans l'esprit de Jean II le fruit d'une découverte qu'il ne voulait pas révéler avant que ses navires, suivant la voie frayée par Dias, eussent atteint les rivages de l'Inde, la vraie ! N'a-t-on pas vu que, six ans plus tard, les pilotes de Cabral estimeraient à 450 lieues la distance qui séparait la côte de Guiné de la terre de "Santa Cruz" , autrement dit le Brésil ? Le roi Emmanuel ne signifierait officiellement la "découverte" de Cabral que contraint et forcé : les équipages et les hommes de guerre embarqués à bord des douze navires placés sous le commandement de son capitaine étaient trop nombreux pour qu'on pût espérer qu'ils sauraient tous garder le silence et, au sur- plus, Vasco de Gama avait touché l'Inde depuis trois ans quand Emmanuel jugea bon d'aviser les "Rois Catholiques" que son étendard flottait de l'autre côté de l'Atlantique.
Vasco de Gama fut chargé en 1497 par Emmanuel Ier de se rendre en Inde en franchissant le cap de Bonne-Espérance.
Cette voie maritime avait été découverte dix ans auparavant par Barthélemy Diaz.
De retour au Portugal, un an plus tard, Vasco de Gama fût nommé Amiral des Indes. (Bibl. Nat.)
"La terre trouvée par Cabral est très convenable et nécessaire à la navigation de l'Inde" , leur disait-il : ces quelques mots expliquent par eux-mêmes pourquoi Jean II se garda de rendre publique la découverte, effectuée entre l'année 1482 et l'année 1493 (25), d'une terre qu'il savait être un continent, par un de ses capitaines dont il est possible que le nom reste à jamais ignoré.
Pourquoi ce silence ?
La découverte du grand passage du sud-ouest était chose essentielle, certes, mais la rapidité des communications avec l'Inde l'égalait presque en importance. Les vents dominants qui soufflent sur le lac immense dont les eaux séparent en dessous de l'Equateur le continent sud de la côte africaine sont tels qu'on verra Vasco de Gama appliquant à la lettre les instructions qui lui avaient été données sous le sceau secret, avant départ du Portugal, par les savants de la Junta royale, faire suivre à ses vaisseaux, à hauteur de la Serra Leoa (26), une route qui, s'infléchissant franchement vers le sud-ouest, les amènera dans les parages de la côte brésilienne : la même que Cabral, trois ans plus tard, aura l'ordre d'emprunter.
La possession de la terra firme por costa découverte à l'ouest dès avant le voyage de Colomb n'offrait à titre immédiat au roi Jean II qu'un intérêt d'ordre stratégique qui pouvait se retourner contre lui : informé de l'existence de cette terra firme, le concurrent espagnol ne serait-il pas tenté d'y installer une base, d'où ses vaisseaux pourraient compromettre la sécurité de la route des Indes. L'effort financier qu'exigeait la poursuite de celle-ci était tel que le roi de Portugal ne pouvait songer à construire sur ce nouveau rivage une forteresse qui serait la réplique du castelo de la Mina, entreprise qui aurait d'autre part risqué de donner l'éveil à un rival dont les espions officiels ou officieux se tenaient aux aguets sur les rives du Tage.
La côte du Brésil, selon un portulan portugais du XVIe siècle. Cabral atteint ce pays en 1500. Le nom Brésil vient de " brazil ", " bois aussi rouge que la braise " que l'on trouvait en abondance dans le pays. Il s'agit en fait de l'acajou.
La ligne de démarcation entre l'Espagne et le Portugal tracée selon le traité de Tordesillas. On voit que le trajet suivi par Vasco de Gama, trois ans après la signature du traité, le faisait passer tout près des côtes brésiliennes.
Mais, dira-t-on peut-être, "la Mina" s'était montrée largement "payante" : pourquoi Jean II n'aurait-il pas répété l'opération sur la côte du futur "Brésil" ? La réponse est simple : le monarque n'attendait à brève échéance aucun produit valable de cette terre hostile dont la révélation lui avait été faite qu'elle s'interposait entre l'Afrique et l'Asie. Admis six ans après la mort de ce prince à bord d'un vaisseau portugais, le Florentin Amerigo Vespucci déclarerait avec mépris n'y avoir trouvé que des singes, des perroquets, des animaux féroces et des cannibales, la seule richesse consistant en un bois d'où les indigènes tiraient une teinture rouge comme de la braise.
Après "l'aventurier génois" , "l'aventurier florentin"
Fils d'un notaire de Florence, Amerigo Vespucci avait commencé sa carrière dans la banque, représentant bientôt à Séville les intérêts des Médicis et participant en cette qualité à l'équipement du deuxième et du troisième voyage de Colomb, dont les récits l'enflammèrent au point que, délaissant son comptoir, il s'engagea au mois de mai 1499 dans l'expédition d'Alonzo de Ojeda, dirigée vers la Guyane (27). Faisant cavalier seul, il découvrit selon toute probabilité les bouches de l'Amazone, mais sans imaginer un seul instant qu'il explorait les côtes d'un nouveau continent, croyant au contraire - sans doute inspiré par Colomb - avoir atteint la péninsule orientale de l'Asie. Rentré en Europe, il se mit à la disposition du roi Emmanuel de Portugal et participa à une expédition qui appareilla de Lisbonne au mois de mai 1501, l'amenant au "Brésil" , d'où il emporta le mauvais souvenir que l'on sait. Certains lui attribuent fermement la découverte du Rio de la Plata, en 1502, tout en reconnaissant qu'il ne lui en fallut pas moins pour se rendre compte qu'il se trouvait devant un Nouveau Monde (où il était loin d'être le premier Européen à avoir posé le pied), mais on ne voit pas bien comment le Florentin, étant enrôlé au service du Portugal, aurait pu avoir accès à une zone que le traité de Tordesillas réservait à l'Espagne, à moins de couvrir isolément, par ses propres moyens, les quelque 2000 km qui le séparaient pour le moins du fleuve qui arrose aujourd'hui Montevideo et Buenos-Aires. Il est plus probable que le mérite de sa découverte revient, à la date du mois de janvier 1516, au navigateur espagnol Juan Diaz de Solis, chargé deux ans plus tôt de trouver un passage entre l'Atlantique et l'immense étendue marine que le conquistador Vasco Nuñez de Balboa, premier à avoir traversé l'isthme de Panama, avait été le premier Européen à découvrir, le 25 septembre 1513, et où le Portugais Fernao de Magalhaes, que nous connaissons sous le nom de "Magellan" , passé au service de Charles Quint, serait le premier à pénétrer en doublant le cap Horn, lui donnant le nom de "Pacifique" pour s'être montrée clémente à son égard.
Vespucci n'était pas rentré les mains vides : ses relations quotidiennes avec les officiers et marins portugais lui avaient permis de déchiffrer les secrets qu'ils enfouissaient en eux-mêmes pour obéir aux ordres de leur Roi quand ils étaient de retour au pays. Le Florentin copia en catimini l'inestimable Regimento do Estrolabio e do Quadrante (28) établi par les savants de la Junta royale et qui faisait l'objet des plus ardentes convoitises de la part de l'Espagne comme de tous les navigateurs étrangers.
L'illicite possession de ce document, qui assurait aux vaisseaux portugais une parfaite sûreté de navigation (29), permit à Amerigo Vespucci de fonder à Séville une école de pilotes après en avoir livré le secret aux "Rois Catholiques" , ce qui lui valut (sans doute avec accompagnement d'espèces sonnantes et trébuchantes) d'être gratifié du titre de Piloto mayor (30). Il faut voir une piquante moquerie du destin dans le fait qu'un moine allemand, claustré dans un monastère des Vosges, ait baptisé du prénom d'un voleur l'immense continent qui part du voisinage du pôle Nord pour aller jusqu'au cap Horn. Ignorant tout, apparemment, des discussions de Tordesillas, le bon Waldseemüller, alias "Hylacomilus" , s'aperçut bientôt de sa bévue et s'employa à préciser sur ses cartes que le "Nouveau Monde" avait été découvert par Colomb, commettant ainsi une nouvelle erreur, qui a fait florès.
4177 ou 6173 ?
Si le traité de Tordesillas avait repoussé de 270 lieues à l'ouest la ligne de démarcation tracée par le Souverain Pontife, la définition de ces lieues n'avait pas été fixée, question pourtant majeure puisque la lieue portugaise équivalait à 6173 de nos mètres tandis que l'espagnole n'en comptait que 4177. Je suppose que cette omission fut volontaire de part et d'autre, permettant de couper court aux risques d'un conflit armé également redouté des deux parties en présence, cependant qu'elle réservait l'avenir. Selon la définition portugaise, ces 270 lieues arrachées à l'Espagne faisaient passer la ligne de démarcation à quelque 1200 de nos milles marins des Açores et des îles du Cap Vert en suivant à peu près le 50e degré de longitude ouest selon le méridien de Greenwich, assurant ainsi au Portugal la possession de l'essentiel de la côte de "Santa Cruz". Mais, ayant quelques raisons de suspecter la bonne foi d'Alexandre VI, Jean II exigea qu'après validation du tracé de la ligne ainsi arrêtée aucune décision prise unilatéralement par Rome ne vaudrait pour aucune des deux parties en présence, réduisant ainsi le pape au rang de témoin.
Directement inspirées de l'ancienne " barcha " du XVe siècle, des embarcations de ce type naviguent encore dans les eaux du Tage. (Rapho)
Si Ferdinand et Isabelle s'étaient employés avec obstination à faire dire par le Souverain Pontife que la ligne de démarcation ne passerait qu'à cent lieues à l'ouest des Açores, c'est que leur "Grand Amiral" avait flatté leurs ambitions en les persuadant qu'à partir de cette limite arbitraire tout changeait d'un seul coup : le ciel, les étoiles et la mer. Le "Nouveau Monde" forgé par l'imagination de ce charlatan illuminé existait réellement, mais beaucoup plus loin à l'ouest, et il mourut sans avoir compris qu'il l'avait atteint, croyant par contre, en dépit de la réalité qu'il avait pu constater de ses yeux, que Dieu lui avait permis de découvrir "le Paradis décrit par Moïse sous le nom d'Eden" et qu'il situait "au sud de la province de Mangi, dans le pays de Cathay" (c'est-à-dire la Chine), arrosé par un fleuve magnifique que les "Indiens" Guaraos appelaient Ori-noko (31). Nous en avons fait l'Orénoque, et les misérables peuplades de la Guyane vénézuélienne seraient bien surprises d'apprendre qu'elles mènent une existence paradisiaque, à supposer que ce terme ait pour elles une signification quelconque.
"Le merveilleux, qui n'est que le faux qui fait plaisir à croire, disait M. de Buffon, augmente et croît à mesure qu'il passe par un plus grand nombre de têtes." Si l'on en juge par une renommée qui fait que la mémoire de Christophe Colomb a traversé les siècles, on doit reconnaître que cette remarque n'a rien perdu de son actualité.
RÉMY
Notes :
(1) "Restelo" se dit en français "séran" , ou encore "sérançoir" , pour qualifier un instrument servant à peigner le chanvre ou le lin. En termes de marine, il désigne le chanvre restant après l'extraction du premier brin. Pour rendre hommage au génie de l'infant Henri de Portugal (1394-1460), l'Histoire en a fait "le Navigateur". (retour)
(2) "Petite fille". Barcha non pontée, la Niña était copiée sur le modèle du navire que l'Europe du Nord employait au transport des marchandises en haute mer. (retour)
(3) Devenue par la suite Gold Coast, et aujourd'hui "Ghana". (retour)
(4) Fils d'un compagnon de Colomb, Bartolomeo de Las Casas participa à la deuxième expédition du Génois (1493-1496). Outre sa Brevissima relacion de la destruccion de las Indias, dans laquelle il dénonça courageuse ment les abus commis par les colons espagnols, il a laissé une Historia general de las Indias. (retour)
(5) "Cipangu" est vraisemblablement une déformation du chinois, qui remonte à l'époque de Marco Polo et fit de Zi-pen notre "Japon" , alors que les "Japonais" dénomment leur nation "Nippon" , ou empire du "Soleil levant". (retour)
(6) Commiss composée d'astronomes, de cartographes et de mathématiciens sur le modèle de celle qu'avait instituée à Sagres l'infant Henri. (retour)
(7) Assemblée politique constituée sur le modèle castillan et dont l'institution remontait au XIIe siècle. (retour)
(8) Ou "Maison de la Mina" , nom désignant le vaste entrepôt où s'accumulaient les cargaisons ramenées de la terre d'Afrique avant d'être mises en vente à Lisbonne. (retour)
(9) Façon italienne de désigner l'île yougoslave de Korçula qui a conservé ses remparts du XVe s. Devenu fort riche, Marco Polo commandait dans cette bataille, où le doge Dandolo fut vaincu par les Génois, une galère armée à ses frais. (retour)
(10) Titre qu'Isabelle, fille de Jean II, roi de Castille, et son époux Ferdinand, roi d'Aragon, en lutte contre les Maures d'Espagne, s'étaient donné à eux-mêmes. (retour)
(11) "Terre ferme au-delà de la côte" , la qualification "terre ferme" ne s'appliquant en elle-même qu'à un continent. (retour)
(12) Pour "assertion". (retour)
(13) "La Pinte" (retour)
(14) "La Galicienne" (ou originaire de la province située au nord-ouest de l'Espagne). (retour)
(15) "La vallée du Paradis". (retour)
(16) "Saint Sauveur" , située dans l'archipel des Bahamas; et très probablement devenue l'île Watling. (retour)
(17) Île de la partie occidentale des Açores. (retour)
(18) "Un bois aussi rouge que la braise" il s'agissait de l'acajou. Cabral atteignit les rivages du "Brésil" le 22 avril 1500. (retour)
(19) Frère de Martin et de Francisco, respectivement capitaine et pilote de la Pinta lors de la première expédition de Colomb, lui-même commandant le bateau de charge Niña. (retour)
(20) Admirons au passage la science des pilotes portugais ! La lieue de leur pays équivalait à 6173 de nos mètres, ce qui fait que leur estimation approchait de très près les 3000 km qui séparent effectivement la pointe extrême du Brésil de celle de la Guinée Leur estimation de longitude n'était pas moins exacte. (retour)
(21) "Au-delà de l'étendue de la mer Océane" expression qui figure dans les instructions données par Emmanuel. (retour)
(22) Par le moine Waldseemüller, dit "Hylacomilus" géographe et cartographe allemand, qui désigna en 1507 le Nouveau Monde sous l'appellation Americi Terra vel America, gratifiant ainsi le Florentin Amerigo Vespucci d'une gloire inattendue, même par l'intéressé, plus trafiquant que navigateur, bien qu'il ait reçu en Espagne la qualification de "Piloto mayor" (retour)
(23) L'un des plus anciens ordres de chevalerie, fondé en 1318 par le roi Denis de Portugal, qui le fit approuver l'année suivante par le pape Jean XXII sur la base de la règle de Cîteaux. Reconstituant en fait l'ordre du Temple (dissous en 1312 par le pape Clément V sur la pression du roi de France Philippe le Bel), l'ordre du Christ devint un instrument efficace de la lutte contre "les Maures" , autrement dit les Musulmans qui menaçaient la Chrétienté, et eut pour berceau au Portugal le château-fort de Tomar. (retour)
(24) Dit aussi "cap Noun" , situé au nord de l'embouchure de l'oued marocain Draa, à hauteur des îles Canaries. Les marins portugais le disaient "Nao" pour exprimer le refus opposé par les mystérieuses puissances de la "Mer Ténébreuse" aux navigateurs assez téméraires pour les approcher. (retour)
(25) Année qui précéda la signature du traité de Tordesillas. (retour)
(26) "La Montagne de la Lionne" , qui deviendrait la "Sierra Leone". (retour)
(27) Ce territoire se trouvait dans la zone impartie aux "Rois Catholiques" par le traité de Tordesillas, à l'ouest de la ligne de démarcation la séparant de la zone portugaise. (retour)
(28) "Règlement pour l'utilisation de l'astrolabe et du quadrant". (retour)
(29) Lors du voyage qui aboutit aux rivages de l'Inde (la vraie), Vasco de Gama jeta l'ancre dans une anse africaine à laquelle, selon l'usage des navigateurs portugais, il donna le nom du saint du jour, l'appelant "Santa Helena" (nom qu'elle a conservé depuis). Ayant suivi la route qui le faisait passer au large du "Brésil" pour bénéficier des vents dominants, il avait navigué hors de la vue de toute terre pendant 93 jours. "Prenant la ligne du soleil et mesurant la hauteur de l'astre" , il estima se trouver à trente lieues en deçà du cap de Bonne Espérance: vérification faite depuis, on a pu constater qu'il ne se trompait que de 8 km. Cela s'appelle de la navigation, dont la précision était due au Regimento que Vespucci copia par un abus de confiance. (retour)
(30) "Pilote en chef". (retour)
(31) "Là où il faut pagayer très fort" (retour)
Rappel des dates :
1434 : Gil Eanes (portugais) double le cap Bojador (Afrique).
1435 : Gil Eanes et Baldaia (portugais) atteignent Angra dos Ruijos (Afrique)
1436 : Baldaia (portugais) atteint le Rio de Ouro (Afrique)
1441 : Nuno Tristão atteint le Cap Blanc (Afrique)
1443 : Nuno Tristão atteint Arguim et Garças (Afrique)
1444 : Lançarote atteint Naar et Tider (Afrique)
1444 : Nuno Tristão atteint Terra dos Negros (Sénégal) (Afrique)
1444 : Dinis Dias atteint le Cap Vert et l'île de Gorée (Afrique)
1445 : A. Fernes atteint le Cap dos Mastos (Cap Rouge) (Afrique)
1445 : Gil Eanes atteint le cap Vert et rapporte à Henri le Navigateur des plants de fleurs de Guinée(Afrique)
1452 : Diego de Teive découvre l'île Floreiras, à l'ouest des Açores.
1474 (28 janvier) : Alphonse V du Portugal cède l'île Floreiras à Ferdinand Teles de Meneses, si elle est non peuplée.
1475 (10 novembre) : Alphonse V renouvelle sa cession de l'île Floreiras à Ferdinand Teles de Meneses, même s'il y a des habitants, ainsi que l'Île aux 7 cités.
1476 : Christophe Colomb arrive au Portugal
1477 : Christophe Colomb revient au Portugal après un voyage dans le nord
1478 : Christophe Colomb épouse la fille de Barthélemy Perestrelo (portugaise)
1479 (4 septembre) : traité conclu à Alcaçovas entre le Portugal et l'Espagne (relatif aux côtes africaines).
1481 : Jean II roi du Portugal
1482 : établissement par Diogo d'Azambuja du Castelo S. Jorge sur la côte de La Mina (afrique)
1484 : Christophe Colomb est reçu par le roi Jean II et lui fait part de son "idée" de voyage à l'ouest.
1485 : Christophe Colomb trouve refuge en Andalousie (fuite devant ses créanciers). Il aurait rencontré le pilote portugais Pietro di Velasco qui lui aurait parlé d'île à l'ouest.
1486 (3 mars) : Jean II accorde une concession sur l'Île des 7 cités à Ferdinand d'Ulmo
1486 (mai) : Christophe Colomb est présenté aux roi et reine d'Espagne.
1488 : Christophe Colomb tente de revenir au Portugal
1488 : Barthélemy Dias (portugais) passe le Cap de Bonne Espérance
1488 (décembre) : Barthélemy Dias revient au Portugal et annonce sa découverte.
1492 (2 janvier) : Prise de Grenade par les Espagnols.
1492 (14 avril) : les rois catholiques d'Espagne acceptent les conditions de Christophe Colomb.
1492 (8 août) : Départ de Christophe Colomb avec 3 navires pour tenter de découvrir le chemin des Indes via l'ouest pour les rois d'Espagne.
1493 (avril, antidaté du 3 mai) : Bulle du Pape Alexandre VI qui décrète que toutes les terres et îles découvertes ou à découvrir à l'ouest, "en direction des Indes" , revenaient aux Rois Catholiques.
1493 (juin, antidaté du 4 mai) : Bulle du Pape qui accorde à l'Espagne les terres et continents découverts ou à découvrir à l'ouest et au sud d'une ligne verticale passant à 100 lieux à l'ouest des Açores.
1494 (7 juin) : traité dit "de Tordesillas" qui partage les terres à l'ouest entre Portugal et Espagne.
1495 : Emmanuel Ier succède à Jean II au Portugal.
1497 : Emmanuel Ier de Portugal charge Vasco de Gama de trouver la route des Indes vie Bonne-Espérance
1498 : Vasco de Gama de retour des Indes
1498 : Duarte Pacheco Pereira navigue non loin du Brésil, aux ordres du roi Emmanuel Ier du Portugal.
1499 (mai) : le florentin Amerigo Vespucci s'engage dans l'expédition d'Alonzo de Ojeda, dirigée vers la Guyane
1500 : Cabral (portugais) atteint le Brésil.
1501 (mai) : Amerigo Vespucci est au Brésil avec une expédition du Portugal
1513 (25 septembre) : l'espagnol Juan Diaz de Solis traverse l'isthme de Panama et découvre le Pacifique.
1520 : le Portugais Fernao de Magalhaes (Magellan) passe le Cap Horn et arrive dans le Pacifique. Découverte du "détroit de Magellan". (l'expédition était menée pour l'Espagne)
Retour