Tiré du livre : "L'économie médiévale", de Guy Antonetti; aux éditions Que Sais-je ?

I. Les marchands

1.1.

Du cinquième au dixième siècle, on peut parler d'économie fermée si l'on veut souligner la part certainement prépondérante de l'autoconsommation locale, tant en ce qui concerne les produits agricoles que les produits artisanaux; et l'on comprend ainsi la vie itinérante des grands personnages qui, avec leur suite nombreuse, allaient vivre tour à tour sur chacun de leurs domaines jusqu'à ce que fussent épuisées les ressources amassées. Cependant les échanges n'ont pas totalement disparu, mais leurs circuits fonctionnaient la plupart du temps sans l'intervention de professionnels : le producteur agricole offrait ses produits directement à une clientèle proche, qui était à la portée de ses moyens de transport (marché local, commerce sans marchand). Inversement, les églises et les abbayes, qui possédaient de grandes fortunes foncières dispersées et une population importante à entretenir, organisaient non seulement des convois de domaine à domaine pour le ravitaillement, mais aussi des expéditions lointaines pour l'importation des produits exotiques. Or il est tout à fait improbable que des grands propriétaires aient pu envoyer leurs seuls tenanciers, avec leurs seuls chariots et leurs seules barques, à des centaines de kilomètres : on suppose dès lors l’existence de professionnels du commerce, ce que confirment d'ailleurs de nombreux textes du temps.
Jusqu'au VIIe siècle, les textes citent souvent des Syri, terme générique qui servait alors à désigner indifféremment les hommes qui étaient originaires de la partie orientale de l'Empire romain (Grecs, Syriens, Egyptiens, juifs ...) : ces Syri formaient alors des colonies relativement peuplées dans de nombreuses villes d'Occident. Or, après le VIIe siècle les textes ne font plus mention de Syri, mais uniquement de Judaei. Les juiveries de France, d'Italie et de Germanie entretenaient des relations suivies avec l'Espagne, l'Afrique et l'Orient. Un autre groupe important fut constitué à partir du VIIe siècle par les Frisons, qui trafiquaient sur les bassins fluviaux du Rhin, de 1a Meuse et de l'Escaut, et sur mer depuis la Manche jusqu'à la Baltique. Enfin, le soin avec lequel les textes précisaient, lorsque c'était le cas, qu'il s'agissait d'un marchand juif, prouverait qu'il existait bien aussi des negotiatores chrétiens.

1.2.

A partir du onzième siècle, la situation de ceux qui faisaient du commerce leur activité principale se diversifia nettement, en fonction des dimensions du marché sur lequel ils opéraient, depuis le petit marché local jusqu'aux vastes marchés interrégionaux, ou même intercontinentaux.

1.2.A) Du colporteur au boutiquier : un horizon borné.

Continuateur du colporteur carolingien; le « pied poudreux » sillonnait les campagnes, transportant sa pacotille sur son dos ou dans des ballots portés par une bête de somme ; régulièrement il s'approvisionnait aux foires locales. Ce type de petit marchand a survécu bien au-delà de la fin du Moyen Age. Le phénomène le plus important à partir du XIIIe siècle a été la sédentarisation du commerce local. Le colporteur a souvent disparu, remplacé par le boutiquier. Un commerce permanent s'est installé dans les villes, représenté au premier rang par les merciers (de merx, marchandise) qui vendaient en gros (« mercier, faiseur de rien, vendeur de tout »). Ce commerce local s'est intégré dans des structures corporatives. Or, celles-ci, de même qu'elles ont, empêché l'apparition d'un capitalisme industriel, ont fait obstacle à l'évolution de la « boutique » vers une forme de capitalisme commercial : comme l'artisan, le boutiquier ne pouvait dépasser les limites d'une médiocre activité, en raison de l'étroitesse de son entreprise et de son marché. Pourtant, des boutiquiers ont amassé assez de bien pour pouvoir entrer dans les milieux du grand commerce, et devenir des entrepreneurs capitalistes. En effet, le capitalisme commercial a pris son essor dans un autre domaine, celui du grand commerce lointain, hors des limites étroites du marché local.

1.2.B) Du grand marchand aux sociétés capitalistes un horizon lointain.

Jusqu'au XIIIe siècle le grand commerce interrégional ou intercontinental était aussi un trafic itinérant : le marchand accompagnait sa marchandise, l'écoulait au terme de son voyage, et revenait avec une cargaison de produits exotiques. Les marchands se déplaçaient en groupes, et armés. Ne sachant souvent ni lire, ni écrire, ces ambulants ne pouvaient tenir ni comptabilité ni correspondance. Dans le courant du XIIIe siècle ils bénéficièrent d'une sécurité accrue sur les grandes routes, car pour des raisons fiscales les rois et les grands seigneurs les prirent sous leur protection ; d'autre part la diffusion de l'instruction vulgarisa dans la classe marchande l'usage de l'écriture. De plus en plus le grand marchand préféra rester chez lui, derrière son écritoire : entouré d'un personnel peu nombreux, il rédigeait et recevait une correspondance qui le maintenait en étroite relation avec ses associés ou correspondants des autres places. Il pouvait ainsi diriger de loin plusieurs affaires à la fois, et à l'occasion il envoyait des commis convoyer d'importantes cargaisons de marchandises.
Le mouvement de sédentarisation, apparu d'abord en Italie, se répandit ensuite dans le nord de l'Europe : aux XIVe-XVe siècles les grands marchands italiens ou hanséates étaient des sédentaires, pour le compte desquels se déplaçaient des commis. Quant aux marchands flamands, qui se déplaçaient régulièrement au XIIIe siècle des Flandres en Champagne, ils se transformèrent ensuite en courtiers, intermédiaires sédentaires, qui arrangeaient entre les marchands étrangers les opérations commerciales et financières, leur procuraient logement et entrepôt, et percevaient une commission pour les services qu'ils rendaient.
La spécialisation a moins progressé que la sédentarisation non seulement les grands marchands se livraient au négoce des marchandises les plus diverses, ainsi qu'au négoce de l'argent (prêt, change), mais aussi ils commanditaient, finançaient, ou dirigeaient la fabrication de certains produits qu'ils vendaient. Si le grand commerce maritime et terrestre et le commerce de banque échappèrent aux contraintes corporatives, il n'était pas rare que de grands marchands figurassent dans une corporation (draperie ou mercerie surtout).
La fortune de quelques grands marchands atteignit des proportions énormes aux XIV-XVe siècles. Au milieu du XIVe siècle, la fortune des Bardi ou des Peruzzi, de Florence, devait dépasser deux millions de florins ; même niveau un siècle plus tard chez les Médicis (cf. l'achat d'Avignon par Clément VI, par comparaison en 1313, pour 130000 florins, ou l'achat de Montpellier par Philippe VI en 1349 pour 120000 écus, soit 133000 florins !). Au milieu du XVe siècle en France, Jacques Coeur était riche de 600000 livres tournois environ, soit à peu près la moitié de ce que rapportait annuellement la taille royale... Mais ce sont là des cas très exceptionnels. A Hambourg ou à Lübeck, les grandes fortunes marchandes étaient évaluées encre 5000 et 25000 marks lub à la fin du XIVe siècle, et jusqu'à 50000 marks lub à la fin du XVe siècle. De la "majorité" médiocre des marchands de faible envergure, se détachait une minorité colossale, composée de familles richissimes, pour la plupart italiennes (R.-S. Lopez). Ces voyantes oligarchies ont tissé à travers l'Europe et jusqu'en Orient un vaste réseau de placements très diversifiés.
L'association des marchands a renforcé leur puissance. Il y a eu tout d'abord les associations professionnelles, destinées à procurer d'abord la sécurité aux entreprises marchandes, puis bientôt le monopole de certains marchés (ghildes et hanses).
Mentionnons deux des plus célèbres de ces associations la Hanse des marchands de l'eau de Paris, qui s'est constituée à la fin du XIe siècle en vue de réserver à ses membres le monopole du trafic (en particulier le commerce du vin) dans le bassin de la Seine ; dès le début du XIIIe siècle, elle représentait auprès du roi l'ensemble de la bourgeoisie parisienne, et elle donna naissance à la municipalité. Quant à la Hanse teutonique, elle doit ses origines à la fondation de Lübeck (1158) et à l'expansion germanique dans la Baltique : les marchands allemands qui fréquentaient le grand centre commercial de Visby dans l'île de Gotland, se constituèrent en communauté dès 1161 (la hansse des marchands), et celle-ci ne disparut qu'à la fin du XIIIe siècle, remplacée par la hanse des villes qui, elles-mêmes, étaient regroupées en quatre ligues (westphalienne, saxonne, vende, prussienne). La hanse des villes se constitua définitivement au milieu du XIVe siècle, avec l'établissement de son autorité sur les marchands allemands des « quatre comptoirs » (le quai allemand de Bergen en 1313, Bruges en 1356, la Cour Saint-Pierre ou Peterhof de Novgorod en 1361, le Stalhof de Londres en 1374), et la conquête de la liberté complète de trafic dans les détroits du Sund (1370). La Hanse teutonique s'attacha avec acharnement à obtenir pour ses membres des privilèges personnels et collectifs (immunité administrative, judiciaire, et fiscale) qui leur donnèrent de fait le monopole du trafic de la Baltique. De 1370 à 1470 environ, elle s'employa avec succès à empêcher l'expansion des commerces étrangers dans la Baltique.
L'autre part les associations commerciales furent pratiquées très tôt à Venise, dès le XIe siècle, puis elles se répandirent dans les autres grandes cités italiennes à partir du XIIe siècle, sous les deux formes de la commande, (commenda) et de la société (compagnia) ; elles restèrent des spécialités italiennes jusqu'à la fin du XIIIe siècle, puis elles furent adoptées ailleurs en Europe.
La commande, qui est née dans les grands ports d'Italie, était un mode de financement des armements maritimes, Un marchand empruntait à divers capitalistes des fonds, avec lesquels il achetait des marchandises, et il s'embarquait avec sa cargaison : en cas de perte des marchandises par péril de mer, le marchand n'avait pas à rembourser les fonds empruntés : en revanche, en cas de revente des marchandises, il devait rembourser le capital, augmenté des trois quarts des bénéfice réalisés. Il y avait des variantes dans le partage des risques et des profits.
La société a été adoptée par les marchands qui s'adonnaient au commerce terrestre. Conformément aux conceptions du droit romain, la société commerciale médiévale était encore fortement marquée par le caractère personnel du contrat (nombre limité des associés, souvent proches parents ou alliés ; incessibilité, des parts ; responsabilité des associés in solidum et in infinitum ; durée limitée à quelques années, avec clause de reconduction), mais dès cette époque s'est affirmé le caractère capitaliste de l'institution, tant par l'importance que le capital a prise, que par les règles adoptées pour le partage des bénéfices. Certes les mises de fonds initiales nous paraissent aujourd'hui bien faibles (même en tenant compte du niveau des prix de l'époque) : à Toulouse, de 1350 à 1450, les sociétés dont le capital était inférieur à 200 Lb représentaient 67 % de l'ensemble et inférieur à 300 Lb, 79%; quatre sociétés seulement, soit 2,9 % de l'ensemble, dépassèrent 2000 Lb en capital. De même, en 1455, la société filiale à Bruges de la firme de Médicis n'avait jamais qu'un capital de 3000 Lb de gros. Ceci dit, il ne faut pas oublier que les grandes sociétés d'affaires italiennes se soient peu ou prou transformées en banques de dépôt, par la constitution d'un capital annexe et variable (sopra corpo), à côté du capital social initial (corpo): la société acceptait les dépôts des tiers, remboursables à vue; et rétribués par un intérêt fixe, le plus souvent 8% l'an. La masse des dépôts reçu, était réinvestie par la société dans des opérations qui produisaient un bénéfice supérieur ; mais, ignorant les règles de la prudence que la spécialisation bancaire n'a imposées que beaucoup plus tard, ces sociétés médiévales n'hésitèrent pas à geler ces dépôts à vue dans des emprunts contractés par des souverains ou dans des entreprises commerciales ou artisanales aux faibles liquidités. En cas de panique, la ruée des déposants, qui demandaient le retrait de leurs dépôts, rendait particulièrement vulnérables ces "colosses aux pieds d'argile" (A. Sapori). En ce qui concerne d'autre part le partage des bénéfices l'influence capitaliste dénatura le caractère personnel du contrat en ce que le partage fut toujours calculé, sinon exactement au prorata des mises de fonds, tout au moins en fonction de celles-ci. Enfin, notons qu'à l'exception de très rares cas (moulins du Bazacle à Toulouse, par exemple) c'est à Gênes qu'apparurent au XVe siècle des sociétés qui annonçaient les sociétés anonymes modernes (division du capital en parts cessibles, responsabilité de l'actionnaire limitée à sa mise de fonds) : il s'agissait de sociétés spécialisées dans le commerce d'un produit particulier, tel que le sel, l'alun, le mercure, etc.
Les plus puissantes sociétés commerciales se sont développées en Italie à partir du XIIIe siècle, surtout à Florence qui fut le siège de quelques maisons célèbres. Au cours de ce siècle se détachèrent les Tolomei et les Buonsignori de Sienne, les Rapondi de Lucques, les Spini, les Scali, les Frescobaldi de Florence : tournées essentiellement vers les foires de Champagne, le commerce des textiles et les prêts aux souverains, ces maisons furent victimes de difficultés monétaires et politiques (depuis 1290) et économiques (à partir de 1315), et elles furent emportées par des faillites entre la fin du XIIIe siècle et le premier quart du XIVe. La relève fut assurée par une nouvelle génération de maisons florentines, dont l’activité s'étendait de la Méditerranée orientale à l'Angleterre (les Bardi, les Peruzzi, les Acciaiuoli); à leur tour ces sociétés furent victimes des difficultés politiques (début de la guerre de Cent ans) et économiques (Peste Noire). Dans la faillite des Peruzzi (1343) le roi d’Angleterre était débiteur de 600000 florins ; dans celle des Bardi (1346), de 900000 florins, et le roi de Sicile, de 100000 florins. La troisième génération, qui se forma après 1350, fut éclipsée par les Médicis qui parvinrent au XVe siècle à dominer la vie politique et économique de Florence. En 1434, Côme de Médicis s'empara en fait du pouvoir, et procéda à une transformation profonde de l'entreprise familiale : abandonnant la forme traditionnelle de la société de succursales, représentée sur les grandes places par un comptoir confié à un associé, il adopta la forme plus souple et décentralisée de la société à filiales, indépendantes juridiquement les unes des autres, mais dans lesquelles on retrouvait comme associés les divers membres de la famille.
Hors d'Italie, des sociétés de moindre envergure se multiplièrent aux XIV-XVe siècles dans les villes hanséatiques, mais il n'y eut jamais de grandes firmes permanentes (Ph. Dollinger), si l'on excepte le cas très particulier de l'ordre teutonique qui se livrait au commerce depuis la fin du XIIIe siècle. En Allemagne méridionale, des sociétés familiales se constituèrent, à Augsbourg et Nuremberg, pour se livrer surtout au commerce des métaux ou des textiles, mais une seule grande société vit le jour, la société fondée en 1380 à Ravensburg par Joseph Hompys et dont les opérations sur les toiles et le safran couvrirent l'Europe méridionale, l'Allemagne, et les Pays-Bas.

II. - Les routes et les marchandises

Dès les premiers siècles du Moyen Age l'économie occidentale a produit aussi pour vendre, mais c'est à partir du XIe siècle due le volume de ces produits a sensiblement augmenté. On peut répartir les principaux d'entre eux en sept secteurs :
1) L'alimentation (grains, vins, sel, poissons fumés ou salés) ;
2) L'habillement (laine, lin, fourrures, cuirs, peaux, produits tinctoriaux) ;
3) La construction (pierres et bois d'oeuvre) ;
4) Les transports terrestres (chevaux) et maritimes (goudrons, cordages, toiles à voile) ;
5) L'éclairage (cire) ;
6) La métallurgie (métaux en lingots, armes, orfèvrerie) ;
7) La céramique et la verrerie.
L'importance quantitative du volume des marchandises qui faisaient l'objet de commerce lointain au Moyen Age est impossible à préciser. Quelques rares indices donnent à penser qu'il n'a jamais atteint un niveau élevé, même si on limite la comparaison au volume dit commerce de l'Europe mercantiliste antérieure aux révolutions du XVIIIe siècle un document douanier de 1293 permet d'estimer à 4 ou 5000 t l'exportation annuelle de fer asturien par les ports de Guipuzcoa et de Biscaye ; dans la seconde moitié du XIIIe siècle, les exportations anglaises de laine auraient monté annuellement à 3 ou 4000 t ; en 1335, le tonnage de la flotte vénitienne ne devait totaliser que 40000 t...
D'autre part l'Occident a longtemps offert des troupeaux considérables debétail humain : c'était un marché où venaient s'approvisionner abondamment les Byzantins et les Arabes. L'esclave était un bien de grande valeur, recherché, et qui se vendait bien. A la suite des interventions de l'Eglise, ces esclaves d'exportation ne furent plus recrutés en pays de chrétienté, mais principalement dans les régions païennes limitrophes au nord (Germains) et à l'est (Slaves). Jusqu’à la fin du Moyen Age la traite des esclaves fut une activité florissante en Méditerranée pour les Vénitiens et les Catalans.
D'Orient, les Occidentaux tiraient surtout des produits alimentaires et pharmaceutiques (épices), des produits textiles (soieries), des produits tinctoriaux, de l'or.
Le commerce médiéval s'est organisé autour de deux grands axes maritimes l'axe méditerranéen (jusqu'en mer Egée et en mer Noire) et l'axe nordique (de la Manche à la Baltique), raccordés entre eux par des routes terrestres, jusqu'à ce que s'établissent des liaisons maritimes régulières entre l'Italie et la mer du Nord, au XIVe siècle.
Pour l'axe méditerranéen, la question célèbre est celle des conséquences de la conquête arabe du VIIème siècle : la Méditerranée a-t-elle été désertée ? Est-ce que la phrase d'Ibn-Khaldoun (Les chrétiens ne peuvent plus faire flotter une planche sur la mer) est une fanfaronnade littéraire ou l'expression de la réalité de la fin du Ier millénaire ? D'après Pirenne, la conquête de l'Afrique du Nord et de l'Espagne par les Arabes aurait effectivement fermé les ports de Gaule, et empêché les relations maritimes séculaires de l'Occident avec l'Orient. Un des arguments majeurs de sa thèse repose sur la disparition du papyrus, de l'huile d'olive, et des soieries en Occident à partir du VIIIe siècle. Cependant, sans méconnaître l'obstacle que dressait l'hostilité des Arabes. R. Doehaerd a souligné que la voie de mer directe entre l'Orient et l'Occident avait été partiellement remplacée alors; par la double voie terrestre, d'une part par l'Espagne musulmane (rôle des Juifs rhadanistes exportateurs d'esclaves occidentaux). Et d'autre part par l'Italie adriatique restée en relations avec Byzance et même Alexandrie (rôle des Vénitiens, également exportateurs d'esclaves occidentaux) : la naissance obscure de Venise, vers 800, correspondrait à l'établissement de ce nouveau circuit. Au XIIe siècle les croisades rouvrirent largement l'Orient méditerranéen aux Vénitiens et aux Génois, qui y trafiquèrent activement jusqu'à ce que les Turcs les en chassent à la fin du Moyen Age.
Quant à l'axe nordique, il fut le domaine des navigateurs frisons et saxons, du VIIe au IXe siècle, puis les Normands les supplantèrent presque partout. La domination des Vikings a créé une succession de marchés, de comptoir en comptoir, reliant l'Atlantique à l'Orient, en passant par les îles Britanniques, la Scandinavie, la Russie des Varègues, d'où ils atteignaient Byzance par Kiev et la mer Noire, Bagdad par la Volga et la mer Caspienne, et peut-être Samarcande. Ce sont les trouvailles monétaires qui ont fait découvrir l'unité, de cet espace économique nord-européen du Xe siècle : près de 100000 dirhems frappés en Iran et au Turkestan ont été retrouvés en Scandinavie, et inversement, quoique en nombre nettement inférieur, des pièces franques et anglo-saxonnes ont été retrouvées en Poméranie et en Russie. Après l'an mille, la Flandre a acquis une place privilégiée sur cet axe nordique, en raison de l'essor du commerce de la draperie. Jusqu'au milieu du XIIIe siècle ce furent des marchands flamands itinérants, surtout de Gand, d'Arras, et de Bruges, qui allèrent vendre leurs draps dans une vaste partie de leur aire de diffusion : en particulier de 1150 à 1250 environ, c'est aux foires de Champagne qu'ils les vendirent à des marchands venus d'Italie avec des cargaisons d'épices. Après 1250 les compagnies italiennes installèrent à Bruges des correspondants chargés d'acheter les draps de Flandre, et de les expédier à Florence où ils recevaient les derniers apprêts. Or d'autre part, les marchands hanséates venaient, depuis le XIIe siècle, s'approvisionner à Bruges en produits exotiques. Bruges devint ainsi le trait d'union de la Méditerranée et de la Baltique.
Enfin, les routes terrestres de raccordement s'établirent le long des voies fluviales (sillon séquano-rhodanien, sillon rhodano-mosan, sillon rhodano-rhénan). Les itinéraires les plus anciens furent les circuits français, reliant la Flandre à l’Italie par les foires de Champagne : ils déclinèrent aux XIVe-XVe siècles, au profit d'un axe maritime atlantique à l'Ouest (liaison Gênes, Bruges, et Londres, par Barcelone, Cadix, et Lisbonne), et d'un axe terrestre germanique à l'est (liaison Hambourg, Milan, par les villes d'Allemagne du Sud où apparut un capitalisme commercial urbain dominé par quelques familles, telles que les Függer à Augsbourg, ou Hompys à Ravensburg).

III - Les marchés

Les lieux d'échange étaient soit des marchés (mercatus), le plus souvent hebdomadaires, soit des foires (fora, nuudinae), généralement annuelles. Le marché ou la foire, réunions périodiques de vendeurs et d'acheteurs, relevait de l'autorité publique celle-ci créait et surveillait les lieux d'échanges, en grande partie pour des raisons fiscales car elle percevait des droits sur la circulation des marchandises (les tonlieux), sur leur exposition (droits d'étaux), et sur leur vente.

3.1. Les marchés de campagne.

Après les Grandes Invasions l'activité des marchés est prouvée tant par les canons conciliaires qui vitupèrent les prêtres qui fréquentent les marchés en vue d'y trafiquer, que par le chapitre 54 du capitulaire de villis qui prescrit de veiller à ce que les hommes du domaine n'aillent pas perdre leur temps sur les marchés. La création et l'existence de nombreux marchés ruraux laissent évidemment supposer que les producteurs avaient à vendre des surplus agricoles ou artisanaux, ou des matières premières, à des acheteurs forains, et qu'à l'inverse ils venaient acheter ce qui n'était pas produit sur le domaine. On imagine mal un marché local où les paysans se seraient vendu réciproquement leurs productions, puisque peu ou prou ils devaient produire les mêmes biens ! L'image de l'économie domaniale vivant en vase clos doit donc être corrigée : sans alimenter un commerce considérable, l'économie domaniale alimentait un certain volume d'échanges. A partir du XIe siècle les exploitations rurales furent sollicitées de produire, outre leur propre subsistance, de quoi répondre à la demande constamment plus pressante des acheteurs » (G. Duby) : les grains, le vin et le bétail furent apportés sur des marchés hebdomadaires et des foires agricoles qui se multiplièrent (cf. le nombre et l'importance des clauses qui leur sont relatives dans les chartes de franchises et dans les chartes de fondation de villes neuves). La foire (de feria, fête d'un saint) était la rencontre temporaire de marchands « forains », c'est-à-dire venus de loin (de foris, dehors) : la foire différait du simple marché local par sa moindre fréquence (périodicité annuelle en général, et non hebdomadaire), et par sa zone d'influence plus vaste (au moins le "pays") ; elle donnait lieu à une grande concentration de population, et son rôle n'était pas exclusivement économique (festivités). On constate qu'avant même que ne se produise l'essor urbain l'usage des deniers (piécettes d'argent) s'est répandu dans les campagnes au XIe siècle, que de nouveaux péages ont été créés, et que leurs recettes ont augmenté : ce sont les indices certains d'une circulation et d'échanges intensifiés dans les campagnes. Sur ces petits marchés locaux opéraient des mercatores, intermédiaires entre les producteurs et les entrepreneurs de trafic à longue distance ; ces mercatores avaient souvent affaire aux intendants seigneuriaux, qui disposaient de quantités importantes de grains et de bétail : au XIIIe siècle la grande exploitation céréalière introduisait dans la circulation commerciale un fort volume de produits agricoles, et redistribuait une partie de leur valeur sous forme de salaires en monnaie aux ouvriers agricoles. De même l'élevage s'orienta à la même époque vers l'économie d'échange : tous les ans à l'automne on procédait à des hécatombes de porcs, qui étaient salés pour l'hiver (d'où l'achat de grandes quantités de sel, ce qui exigeait du numéraire) ; au même moment de nombreux paysans se débarrassaient de leur gros bétail, en particulier les chevaux et les ânes, voire les boeufs, pour n'avoir pas à les nourrir pendant l'hiver (d'où le rôle dominant des exploitants riches et aisés qui pouvaient racheter ce bétail et le revendre au printemps). L'élevage était donc avant tout affaire d'argent: et de commerce » (G. Duby). Quant aux "ovailles", elles mettaient naturellement les paysans en relation avec les trafiquants de laines. Tout cela - et il ne faut pas omettre le vin -, met en lumière le lien étroit des campagnes avec le bourg voisin, siège du marché hebdomadaire, et avec les foires de pays, qui constituaient tous les ans à l'automne des marchés locaux de produits agricole, viticoles et pastoraux.

3.2. Les marchés de ville.

Indépendamment des marchés qui subsistèrent dans les anciennes civitates, devenues sièges épiscopaux, apparurent, surtout à l'époque carolingienne, des agglomérations sur les réseaux fluviaux entre la Seine et le Rhin, où les bateliers et les marchands établirent des entrepôts lieux de passage et de stockage, ces portus (le terme a été vulgarisé par Pirenne) donnèrent naissance à des villes. Pirenne datait la plupart des portus du XIe siècle, et il affirmait que les rares créations de l'époque carolingienne avaient été anéanties par les incursions normandes : il y aurait donc eu solution de continuité entre le IXe et le XIe siècle. Suivant l'opinion qui prédomine maintenant, de nombreux portus des pays mosans et des Pays-Bas se sont au contraire développés de manière continue depuis l'époque carolingienne : ainsi, Bruges ou Gand. L'essor urbain du XIe siècle n'est plus conçu en effet comme l'effet d'un brusque renouveau, mais comme la conséquence d'une croissance antérieure entretenue par des échanges de plus en plus actifs entre les campagnes et les agglomérations urbaines (anciennes cités, nouveaux portus). Le trafic des marchés urbains portait sur les denrées du plat pays environnant, sur les produits de l'artisanat local, et sur les marchandises achetées en gros dans les grandes foires. Ils étaient soumis au protectionnisme chauvin et à la réglementation étroite du corporatisme urbain » (M. Boulet.) : les vendeurs devaient respecter une police de la qualité, du transport, et de l'exposition des marchandises, police qui était destinée à assurer l'approvisionnement régulier du marché et l'abaissement des prix par la liberté et la publicité des transactions ; les acheteurs de leur côté se voyaient interdire les accaparements.

3.3. Les marchés de grande foire.

Certaines foires ont dépassé la zone d'attraction d'un « pays », ou d'une province, et sont devenues le lieu d'échange de produits lointains.
Ainsi, la foire de Saint-Denis, créée au VIIe siècle, fut à l'origine une grande foire du vin qui se tenait pendant plusieurs semaines après les vendanges. Elle attirait les marchands frisons et saxons. Menacée par les incursions normandes entre le milieu du IXe et le début du Xe siècle, elle connut ensuite un renouveau de prospérité. De même, la Champagne devint très tôt un lieu de foires réputées : Chappes, près de Bar-sur-Aube (cette foire supplanta celle de Saint-Denis au moment des incursions normandes), et Châlons-sur-Marne eurent des foires célèbres avant l'an mille. Hors de France, Cologne et Pavie également. Ici encore il n'y a pas eu mutation, mais une croissance qui a fini par transformer les structures.
Parmi ces grandes foires, les principales se développèrent au XIIe siècle le long de l'axe nord-sud qui reliait l'Angleterre (foires de la laine brute de Winchester, Northampton, Saint-Yves, Stanford) et la Flandre (foires de redistribution de la laine et de vente de draps d'Ypres, Lille, Bruges, Messines, Thourout) au delta du Rhône (foires de Beaucaire, Avignon, Narbonne, Montpellier), en passant par l'lle-de-France (foire du Lendit à Saint-Denis) et surtout la Champagne. En effet les foires de Champagne furent pendant près de deux siècles, du milieu du XIIe au début du XIVe siècle, le carrefour où se rencontraient Flamands et Italiens.

3.3.A) L'origine des foires de Champagne n'est pas établie de manière incontestable.

Deux points sont certains : les quatre villes de foire (Lagny, Bar-sur-Aube, Provins, Troyes) eurent des débuts modestes (la foire de Bar-sur-Aube a d'abord été une foire locale à bestiaux); d'autre part ce n'est pas la venue des Flamands et des Italiens qui a provoqué l'essor des foires, mais c'est au contraire ce dernier qui, après 1150, a attiré les Flamands d'abord, puis les italiens. Comment donc des lieux aussi insignifiants que Lagny ou Bar-sur-Aube ont-ils pu devenir le siège des foires les plus importantes d'Europe ? On conjecture que cette localisation résulta de l'action intelligente des comtes de Champagne: mettant à profit la situation de leur comté, ceux-ci aménagèrent un cycle régulier de foires de telle sorte que ce marché international tint ouvert en permanence toute l'année, et ils accordèrent aux marchands un ensemble de privilèges qui exercèrent un puissant attrait (R.-H. Bautier).

3.3.B) L'organisation des foires de Champagne était réglée par un calendrier précis.

Elles commençaient à Lagny le 2 janvier, à Bar-sur-Aube le mardi avant la mi-carême (entre le 24 février et le 30 mars), à Provins le mercredi avant l'Ascension (entre le 28 avril et le ler juin = foire de Saint-Quiriace), à Troyes entre le 9 et le 15 juillet (foire chaude de Troyes, ou foire de Saint-Jean), à Provins le 14 septembre (foire de Saint-Ayoul), et à Troyes le 2 novembre (foire froide de Troyes, ou foire de Saint-Rémi). Comme elles duraient prés de cinquante jours chacune, elles se succédaient en fait les unes aux autres. Le rituel des foires se déroulait en trois phases successives : exposition des marchandises, ventes, règlements des comptes ou encore « droits payements». Le droit de créer une foire était un droit régalien, en fait usurpé par les grands seigneurs qui étaient les seuls à pouvoir faire respecter l'ensemble des dispositions prises pour favoriser les marchands et les attirer.
Sur les routes qui y conduisaient, les marchands bénéficiaient en effet du conduit des foires, qui les plaçait, moyennant finance, sous la sauvegarde du seigneur maître de la foire en cas d'agression, le seigneur auteur du sauf-conduit intervenait pour exiger réparation du tort commis à ses protégés. En 1209, Philippe-Auguste plaça sous son conduit royal tous les marchands se rendant en foire.
A la foire même les marchands jouissaient de franchises qui leur garantissaient la libre disposition de leur personne et de leurs biens (exemption du droit de représailles et du droit d'aubaine, sanction ou incapacité liées à la qualité d'étrangers ; franchise d'arrêt, c'est-à-dire suspension en foire des mesurer d'exécution prononcées antérieurement sur la personne ou sur les biens du marchand, tant pour délit que pour dette). Le seigneur garantissait non seulement la paix du marché, mais il offrait encore des conditions de logement et d'entrepôt avantageuses, ainsi que des exemptions ou diminutions de taxes. Les gardes des foires étaient chargés à l'origine d'assurer la police et de veiller à la sécurité des marchands. Puis ils acquirent à la fin du XIIe siècle un pouvoir de juridiction sur les marchands, dans les limites de la foire. Dans la première moitié du XIIIe siècle les marchands prirent l'habitude de conclure leurs contrats sous le sceau des gardes des foires de Champagne, ce qui conférait juridiction à ces derniers sur l'exécution de ces contrats : simultanément les contrats ainsi conclus en foires devinrent exécutoires dans toute la chrétienté latine, et ceci transforma le rôle des foires. Enfin les marchands s'organisèrent en foires par « villes » ou « nations » d'origine : les Méridionaux (Italiens, Catalans, Provençaux, Languedociens) eurent, dès le milieu du XIIIe siècle, leurs consuls, représentants permanents de leur ville, chargés de défendre leurs intérêts ; les consuls d'une même nation formèrent un corps, dirigé par un capitaine. En revanche, les Nordiques (Flamands, Artésiens, Hennuyers, Champenois) n'organisèrent pas de représentation permanente en foire, et la Hanse des dix-sept villes (drapantes) était l'interprète de leurs intérêts.

3.3.C) Le rôle des foires de Champagne a évolué.

A l'origine elles furent essentiellement des foires commerciales : les Flamands y apportaient leurs draps, et ils y furent rejoints dans la seconde moitié du XIIe siècle par les Italiens. « Il n'est pas douteux que Gênes soit, l'instigatrice de ce nouveau trafic » (M. Boulet). Tournés vers le commerce maritime, les Génois laissèrent aux « Lombards » (Piémontais d'Asti, Alba, Chieri, Vercelli...) le soin d'aller s'aventurer jusqu'en Champagne pour y échanger soieries et épices contre des draps. Gênes devint de la sorte, au XIIIe siècle, la plaque tournante du commerce international entre l'Orient et le nord de l'Europe.
Les Génois faisaient fonction de bailleurs de fonds à Gênes. Ils prêtaient à des marchands les fonds avec lesquels ceux-ci achetaient sur place les produits d'Orient qu'ils convoyaient ensuite en Champagne. Ces prêts (à intérêt) étaient stipulés remboursables en foire de Champagne, et en monnaie de France : ce « contrat de change » réunissait donc une opération de crédit (remboursement différé) et une opération de change (permutation de monnaie). Avec les fonds récupérés en Champagne, les Génois avaient de quoi faire acheter les draps qu'ils destinaient à l'exportation en Orient. C'est ainsi que les foires de Champagne devinrent un important marché de capitaux, doublant le marché, de marchandises. Or la plupart des places de commerce européennes étaient en relation avec ces foires l'usage se répandit dès le milieu du XIIIème siècle, à travers toute l'Europe, de stipuler remboursables aux foires de Champagne les emprunts contractés par les grands seigneurs, laïcs ou ecclésiastiques. A la fin du XIIIe siècle les maisons florentines ou siennoises se procuraient encore leurs fonds en Champagne, soit par des contrats de change stipulés remboursables en foires, soit par des envois de marchandises qui y étaient vendues ; mais les achats de draps flamands s'effectuaient désormais en Flandre même, par l'intermédiaire de facteurs, et ils étaient payés en foires. Le rôle commercial des foires s'effaçait donc derrière leur rôle bancaire : la pratique des « droits paiements » qui permettait d'apurer les comptes par compensation, transforma alors les foires en centre cambiaire européen et en principal marché de capitaux, sur lequel fonctionnait tous les deux mois un règlement des dettes par compensation.

3.3.D) Le déclin des foires de Champagne a commencé vers 1300.

Leur décadence était consommée lorsque survint la Peste Noire. Les raisons qui expliquent l'ampleur et la rapidité de ce recul sont diverses, et l'accord n'est pas fait sur leur importance relative.

3.3.D.1 / Structures politiques ?

En 1285 Philippe le Bel, mari de la dernière comtesse de Champagne, devint roi de France et rattacha le comté au domaine royal : sa fiscalité a-t-elle vraiment été « excessive », et a-t-elle découragé les étrangers ? En 1294, le même roi confisqua le duché d'Aquitaine qui appartenait à Edouard Ier : en représailles celui-ci interdit l'exportation des laines anglaises en Flandre (1295). Poussé par la bourgeoisie flamande, à qui cette matière première était indispensable, le comte de Flandre prit le parti de l'Angleterre, et en 1297 commença une longue série de conflits armés franco-flamands, qui trouvèrent leur prolongement dans la guerre de Cent ans à partir de 1337. Cette succession de guerres détourna les Flamands des foires de Champagne.

3.3.D.2 / Structures de la production ?

Jusqu'à la fin, du XIIIe siècle la draperie italienne, toscane ou lombarde, ne produisait que des draps inférieurs destinés à la consommation locale: elle se mit alors à produire des articles de qualité, propres à l'exportation, et la demande de draps flamands baissa d'autant en Italie, d'où la désertion des Italiens.

3.3.D.3 / Structures des circuits commerciaux ?

L'établissement de liaisons maritimes régulières entre Gênes et Bruges vers 1320, et la fréquentation accentuée des itinéraires terrestres entre la Rhénanie et la Lombardie ont été postérieurs au début du déclin des foires de Champagne mais ils contribuèrent à l'accélérer.

3.3.D.4 / Structure des marchés ?

Paris est devenu, à la fin du XIIIe siècle, un grand centre commercial (foires du Lendit, où s'échangeaient les textiles et les épices), un vaste et, riche marché de consommation (ville très peuplée), où vivaient une cour et des fonctionnaires disposant de revenus importants), et une place bancaire (afflux des manieurs d'argent italiens). Paris a donc supplanté la Champagne, sans cependant conserver ce rôle longtemps au XVe siècle, la capitale avait asphyxié sa banque» (J. Favier).

3.3.D.5 / Structures monétaires ?

Au cours de la seconde moitié du XIIIe siècle, l'or tendit à supplanter l'argent, et le rapport entre les deux métaux subit des variations brusques qui acculèrent à la faillite les maisons italiennes dont les activités étaient centrées sur le négoce de l'argent aux foires de Champagne (R.-H. Bautier).

3.3.D.6 / Structures des entreprises ?

Les foires de Champagne auraient été aussi victimes de la sédentarisation du commerce : les maisons italiennes installèrent à demeure des facteurs sur les grandes places, et firent convoyer leurs marchandises par des commis. Il ne faudrait pourtant pas trop insister sur les conséquences de cette évolution : s'il est indéniable que les foires de Champagne ont décliné, nombre d'autres grandes foires ont survécu ou se sont développées après la sédentarisation du commerce ; en particulier, les foires de Genève et de Lyon se substituèrent, au XVe siècle, bien qu'à moindre échelle, aux anciennes foires de Champagne.
Les foires de Genève atteignirent leur apogée au début du XVe siècle : bien situées géographiquement à la sortie des cols alpins, entre l'Italie, la Rhénanie et la Flandre, et politiquement aux confins paisibles de l'Empire, en dehors des remous de la guerre de Cent ans, ces foires bénéficièrent d'une monnaie locale stable et de vastes marchés commerciaux nouveaux sur le pourtour oriental de l'Empire (Pologne Bohême, Hongrie). Elles furent tout à la fois un marché du textile (soieries), et un marché des changes, au rythme trimestriel, car elles se tenaient à l'Epiphanie, à Pâques, en août, et à la Toussaint.
Les foires de Lyon, dotées en 1420 des privilèges des foires de Champagne, s'organisèrent sur le modèle genevois, adoptant en particulier le même calendrier : elles furent aussi des foires de la soierie et du change, et entrèrent en conflit avec leurs rivales de Genève au milieu du XVe siècle.



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