L'ordonnance des armuriers de la ville d'Angers 1448(Principaux extraits concernant les brigandines)« Les brigandiniers seront tenus pareillement faire brigandines, c'est à savoir les plus pesantes de 26 à 27 livres poix de marc tout au plus (13 Kg), tenant épreuve d'arbalète à tilloles (à moufles) et marquées de deux marques, et les moindres de 18 à 20 livres (9/10 Kg), tel poix que dessus et d'épreuve d'arbalète à croc et trait d'archer, marquées d'une marque. Et seront icelles brigandines d'acier trempées partout et aussi toutes garnies de cuir entre les lames et la toile, c'est assavoir en chacune rencontre de lames, et ne pourront faire lesdites Brigandines de moindre poix de lame. Item, et faudra qe lesd. Lames soient limées tout a l'entour a ce que les etoffes durent plus largement... Additif de 1481"Chacune des lames desdites soit mise et chevauchée l'une sur l'autre tellement qu'on ne put rien bouter entre deux lames (...) et aussi que les clous soient si bons et suffisants que on les puît bien garnir et dégarnir." |
Utilisation de la brigandineOn associe le port de la brigandine avec d'autres équipements : pourpoint à armer, haubergeon, harnois de bras et de jambes, parfois même un volant et sa braconnière. On connaît mal la proportion de gens en brigandine par rapport à l'ensemble des gens de guerre. La plupart des peintres ne se sont pas donné la peine de diversifier de façon réaliste les militaires qu'ils représentent : soit tous sont en harnois blanc, soit tous sont en brigandine. Difficile donc d'établir la part de vérité dans ces illustrations. Remarquons enfin que Louis XI fit progressivement disparaître la brigandine au profit du jacque chez les francs archers ; la raison invoquée était le poids, difficilement cumulable avec le reste de l'équipement. Il faut rappeler que les francs archers, à l'inverse des archers des Ordonnances, étaient à pied... |
Brigandines sans lames ?Commynes écrivit dans ses mémoires: « Les ducs de Berry et de Bretagne chevauchaient sur petites hacquenées à leur ayse, armés de petites brigandines, fort légères, pour le plus. Encores disaient aucuns qu'il n'y avait que petiz cloux dorés par dessus le satin, afin de moins leur peser ». C'est la seule trace écrite de brigandines sans lames et n'ayant que des clous. Commynes fait état d'une rumeur, ce n'est pas une certitude. Les puissants ducs de Bretagne et de Berry étaient escortés de leurs archers de corps, raisonnablement estimables à une bonne centaine : l'hypothèse qu'ils ne portaient que des brigandines de 'dissuasion' est donc plausible. Mais à moins de retrouver un exemplaire de ce type, il faut considérer cet atypisme avec énormément de précaution. Mieux vaut ne pas se lancer sur une telle fabrication qui n'échappera pas à la critique des professionnels. |
Durée de vie d'une brigandineD'après plusieurs expériences menées par Lys & Lion -1462 (cf Histoire Médiévale N°24), nous pouvons estimer la durée de vie des brigandines. Nous avons mis à jour certains facteurs influençant cette durée : bien entendu la fréquence d'utilisation, la qualité des tissus utilisés et la pose des clous. Un premier modèle, en service depuis près de 5 ans, ne présente quasiment aucune usure. Il est utilisé occasionnellement mais sans ménagement. A part quelques effilochages, la structure est en parfait état. Un autre modèle par contre a connu des difficultés dès la fin de sa fabrication, à cause d'un velours de mauvaise qualité. Certains clous, qui avaient été trop serrés, ont écrasé la fibre textile et sont passés du même coup à travers le vêtement. Historiquement, on retrouve des comptes mentionnant la réparation des brigandines par ajout de pièces de tissu, opération nécessitant le déclouage des lames puis leur reclouage. C'est pourquoi on insistait sur la malléabilité des clous. |
Brigandine et reconstitution, les pièges à éviterEt la reconstitution dans tout cela ? Il est dommage que cet équipement soit quasiment inexistant des camps ou autres manifestations, alors qu'il était si populaire au XVe siècle. Voici quelques conseils. Je passe sur les brigandines sans lames (voir encadré). L'essentiel, c'est le vêtement, car c'est de lui que dépendra la durée de vie de l'ouvrage. Choisissez de bonnes matières pas d'acrylique ou autres tissus synthétiques. Laine, coton et lin sont vos seuls amis. Ensuite, soyez humbles. Ne commencez pas par une brigandine avec des grandes plaques pectorales pour votre premier essai, car c'est un modèle difficile à réaliser. La brigandine 6207 des Invalides est un bon exemple pour un premier essai, car il n'y a pas vraiment de piège. Observez bien le montage des lames, surtout les lames du col. Tracez le patron des lames dans un carton fort, puis vérifiez que le montage est cohérent : prévoyez un surdimensionnement pour assurer le recouvrement des lames. Coupez ensuite toutes vos lames et cassez les bords pour ne pas vous blesser. Une tôle d'acier de 1 mm d'épaisseur réalisera le meilleur compromis historique / efficacité. Ne prenez pas de tôle galvanisée, son aspect étant trop marqué. Soyez vigilants sur le choix des clous, les clous de fer (semence de tapissier par exemple) ont tendance à rouiller et à ronger le tissu. Le laiton est un meilleur choix, mais plus difficile à trouver. Ici encore, ne tombez pas dans le piège de la facilité en utilisant des rivets pop ou des rivets creux. Vous seriez démasqués au premier coup d'oeil. Pour les plus avertis, vous pouvez matricer les têtes de clous avec un poinçon en forme d'étoile à 8 branches. Et pour les moins habiles de leurs mains, les coordonnées d'un fabriquant se trouvent dans le carnet d'adresses. |
Les prixLes prix de ces équipements sont connus par les livres de comptes ; pour se donner une idée :En 1435 22 L. 6 s. 6 d. 1 brigandine En 1436 31 L. 1 s. 2 brigandines En 1447 48 L. 2 s. 6 d./pièce 8 brigandines (clous dorés) En 1447 30 L. 5 s. 3 brigandines (clous argentés) En 1450 8 L. 8 s. 1 brigandine En 1465 8 écus d'or 1 corset de brigandine (Source: Archives départementales du Nord et comptes de Charles VII) Par comparaison, prix d'un harnois blanc En 1436: l'armure de guerre 80£ 10s. En 1449: l'armure de guerre 33£ 12s. |
A. S.