La tapisserie médiévale à Arras
Avant le début du XIVe siècle, on connaissait l'existence de tentures murales peintes, de tapis noués ou de lourdes toiles tissées de différentes couleurs mais ce n'est qu'à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle qu'apparaît réellement ce que l'on nomme tapisserie et qui répond à la définition suivante : "panneau de tissu, surface limitée formant une oeuvre théoriquement indivisible. Elle est toujours exécutée à la main, mais contrairement à une pièce de tissu, le fil de travail (la trame) n'est pas continu d'une lisière à l'autre. Son extension est limitée à celle du motif coloré".
Cette naissance "soudaine" de la tapisserie ex plique les rivalités des érudits du siècle passé, revendiquant pour Arras ou pour Paris l'antériorité de cette production. Ces querelles s'appuient sur deux textes des années 1303 et 1313 parlant de pièces de haute-lisse. Ce terme fait référence à la forme du métier utilisé qui porte alors la pièce verticalement. On utilise plus tard, plus fréquemment, la basse-lisse (métier horizontal), excepté aux Gobelins. Quoiqu'il en soit, cet art nouveau s'est développé concurremment dans les deux villes, de façon limitée entre 1300 et 1350 avant de prendre tout son essor -particulièrement à Arras- dans la deuxième moitié du XIVe siècle, au point qu'en italien ou en anglais, une tapisserie se dise arrazzo ou arras.
A Arras, l'ancienneté de cette production, qui cesse au début du XVIe siècle, sa fragilité, sa richesse - les tapisseries y étaient souvent tissées d'or et d'argent -ont occasionné de très nombreuses pertes et les tapisseries d'Arras sont extrêmement rares. En outre, à part l'Histoire de saint Piat et saint Eleuthère, conservée à la cathédrale de Tournai qui est d'origine sûre, beaucoup de pièces sont difficilement attribuables avec certitude. En effet, dès la seconde moitié du XVe siècle, Tournai se met à tisser. Les échanges de modèles et de lissiers entre les deux villes sont alors fréquents et occasionnent une grande confusion.
On donne généralement à Arras une série de scènes galantes liées au Roman de la Rose dont quelques exemplaires sont exposés au musée de Cluny et au musée des Arts décoratifs à Paris, des scènes religieuses (l'Annonciation du Metropolitan Museum) ou des Chasses (comme celles conservées au Victoria and Albert Museum).
L'épisode de Saint Vaast et l'ours (n°47), qu'on pense avoir été tissé à Arras dans la seconde moitié du XVe siècle, prend donc toute sa valeur au musée, Cet élément d'une tenture de choeur, peut-être commandée par l'abbé d'Ourscamp-les-Noyon, Nicolas Boutry, n'est pas caractéristique des productions arrageoises les plus luxueuses, à une époque où les principaux commanditaires étaient la cour royale ou la cour de Bourgogne. D'une relative maladresse, elle témoigne plutôt des réalisations d'ateliers plus modestes et de la diffusion qu'atteint la tapisserie à la fin du Moyen- Age.