Crémieu, l'église des Augustins

Crémieu

L'église

(N°10 sur le plan)
La construction de la "nouvelle église" des Augustins, entreprise en même temps que la nouvelle enceinte de la ville vers 1330-1340 se poursuivait encore dans le courant du 17è siècle.
Etabli sur l'une des tours du mur d'enceinte, le clocher des 17-18e siècles dominait un large fossé alimenté par le ruisseau qui longeait le quartier des tanneurs.
À l'origine destinée à accueillir les religieux l'église des Augustins de Crémieu tint lieu d'église paroissiale de 1570 à 1647.
Construite à partir de 1317 selon un axe nord-sud, elle s'apparente aux églises-halles avec un plan rectangulaire, un chevet plat et une nef à trois vaisseaux.
Le chevet de l'édifice se confond avec le rempart de la ville dans lequel une grande baie centrale a été percée dans la seconde moitié du XIVe siècle.
L'église a connu de nombreux remaniements depuis son origine jusqu'au XIXe siècle, parmi lesquels le prolongement de la nef, l'aménagement de chapelles au XVe siècle et la création de fausses voûtes d'ogives au XIXe siècle.
Le mobilier présente également un grand intérêt. Plusieurs éléments sont classés au titre des Monuments historiques : les stalles et la chaire en noyer, réalisées en 1617 par un maître menuisier de Crémieu, ainsi que l'orgue, qui est l'instrument le plus ancien du département.
Chapelle du monastère, de 1318 à 1791, l'église a subi des transformations.
La grille qui permet d'apercevoir l'intérieur est signée Redersdorff (1982).
L'édifice abrite un mobilier intéressant : boiseries des stalles et de la chaire, grille en fer forgé des chapelles latérales.
On peut remarquer aussi la forme des piliers, tous différents, et les bas-côtés étroits aux voûtes d'ogives très serrées.
Du parvis, on a une belle vue sur le château delphinal et les maisons anciennes décorées de génoises à double ou triple bandeau.

Crémieu - Augustins - Fresque

PEINTURES MURALES DU CHOEUR
Dégagées lors de travaux de restauration conduits en 2000, ces peintures médiévales représentent un témoignage historique de premier plan. À ce jour, une vingtaine de scènes est identifiable. Sur le mur ouest, deux thèmes majeurs de la spiritualité des augustins, prennent la forme d'une composition monumentale réalisée à la fin du XIVe siècle. En l'état actuel des connaissances, c'est la première fois qu'apparaît, en France, une composition d'une telle ampleur dans un couvent d'ermites de Saint-Augustin.
Le registre supérieur présente deux scènes de la vie de la Vierge, la Dormition (mort de la Vierge) et le Couronnement. Sur les registres médian et inférieur se déploie un Credo (en latin je crois), montrant une succession de prophètes et d'apôtres se faisant face deux à deux. Ce thème, inspiré des sermons de saint Augustin, affirme la correspondance entre l'Ancien et le Nouveau Testament.
Dans l'intrados de l'arc, six anges vêtus de longues robes blanches reposent sur de petits nuages pommelés. À en croire les armoiries, le donateur appartenait à la famille Boniface de Saint- Etienne-de-Saint-Geoirs.

LES STALLES DE L'ÉGLISE,
construites en noyer au XVIIe siècle, sont classées Monument historique. Elles présentent un décor élégant et sobre de courbes et de contre-courbes.

L'ordre des Augustins

Cet ordre mendiant créé au XIIIe siècle, dans le même temps que les ordres des frères prêcheurs (ou dominicains) et des frères mineurs (ou franciscains), organise une nouvelle forme de vie religieuse, spécifiquement urbaine.
Inspirés des ermites d'Orient, ces ordres prônent le retour à la pauvreté évangélique et la prédication par l'exemple.
Ils se distinguent du monachisme traditionnel - celui des moines et des monastères - par le refus de la possession foncière et par un contact plus ouvert avec le peuple, en particulier des villes.
Leur rôle dans l'encadrement spirituel des populations, leur pratique d'un enseignement religieux gratuit assurent le succès des "mendiants" et provoque parfois des rivalités avec le clergé séculier (les curés), qui les accuse de détourner à leur profit la générosité des fidèles.

La fondation du couvent de Crémieu

Le dauphin Jean II fonde en 1317 à Crémieu un couvent pour dix ermites de l'ordre de Saint-Augustin. A sa mort survenue l'année suivante, il leur lègue 200 florins pour la construction de leur église. Les dauphins qui lui succèdent font également preuve de générosité envers les religieux de Crémieu, soit par des donation directes, soit en affectant à leur entretien des rentes annuelles à prendre sur les revenus de diverses châtellenies des environs.
Humbert II envisagea de porter à quarante le nombre des frères, avant de s'arrêter à celui de douze, plus raisonnable. Si l'église est terminée dès 1338, il n'en est pas de même des bâtiments monastiques : les donations importantes de 1345 et 1347 font référence à la nécessité d'achever leur construction.
Les augustins, qui restent à Crémieu jusqu'à la Révolution française, édifient un vaste ensemble de bâtiments, notamment au XVIIe siècle (dont le cloître).

Le décor de l'église

L'ensemble du choeur de l'église porte un décor monumental, plus ou moins bien conservé, issu de plusieurs campagnes de travaux : comme les scènes sont séparées les unes des autres par des bandes colorées, on peut aisément remplacer une figure trop abîmée ou jugée démodée par une autre représentation.
Cependant, la majeure partie des peintures conservées remontent aux débuts du couvent (XIVe siècle) et sont l'expression de la spiritualité des augustins.
Vingt-deux scènes ont été identifiées. Certaines sont parmi les plus traditionnelles : l'Annonciation, le Christ en majesté, le couronnement de la Vierge ou la Vierge à l'Enfant.
Classique également la présence de saints protecteurs: saint Antoine, sainte Catherine d'Alexandrie, immense saint Christophe patron des voyageurs, saint Georges terrassant le dragon. D'autres compositions sont moins fréquentes : la Trinité, un saint distribuant de la nourriture aux pauvres, des anges musiciens portant des armoiries et surtout le Credo prophétique et apostolique.

Le Credo

Sous deux scènes de la vie de la Vierge, la Dormition (mort de la Vierge) et le Couronnement, le Credo des Prophètes et des Apôtres, se présente en deux séries superposées de douze personnages de grande dimension, représentés en pied. Ils sont groupés par paires : à chaque prophète, reconnaissable à son bonnet, fait face un apôtre au visage entouré d'un nimbe jaune d'or. Chacun d'eux tient une grande bande de parchemin (ou phylactère), qui portait une phrase de l'Ancien Testament pour le prophète, une du Credo(cefte prière qui résume les grandes notions de la foi chrétienne), pour l'apôtre. Ainsi est fortement exprimée l'idée que l'Ancien Testament annonce le Nouveau. La première représentation de ce thème se trouve dans un manuscrit daté de 1300, mais il reste rare pendant le XIVe siècle pour devenir plus fréquent au XVe, en particulier dans la sculpture des stalles. L'ensemble de ces peintures constitue donc un exemple exceptionnel par son ampleur et par son ancienneté.

La technique

Comme la plupart des peintures murales médiévales, le décor de Crémieu n'a pas été peint « a fresco » - terme technique désignant l'application de la couleur dans l'enduit frais, qui a donné le mot « fresque » - mais à la détrempe ou dans une technique mixte.
La couche picturale, posée après coup, constitue donc une fine pellicule, fragile. Terni par la poussière ou dégradé par l'humidité, usé par le frottement ou les nettoyages inadaptés, dégradé, martelé pour recevoir de nouveaux enduits, le décor peint est souvent incomplètement conservé et peu lisible lors de son dégagement.
Pour le restaurer, on fait appel au concours de spécialistes, qui vont d'abord nettoyer et fixer les peintures, avant de combler les lacunes.
En rebouchant les trous dans l'enduit puis en retraçant les contours disparus, le restaurateur rend à l'oeuvre sa cohérence.
Elle devient accessible à tous et conservée pour encore de longs siècles.

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